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La dernière étape.
Jour 17 – De Sables d’Olonne à La Rochelle.
Après être retourné chez moi à contre coeur pour l’installation d’un nouvel embrayage, (ce que je n’ai pas pu faire moi-même quand j’étais sur la route et n’ayant trouvé personne pour m’aider…) je suis maintenant revenu au point que j’avais atteint auparavant afin de poursuivre mon voyage sur les routes du littoral français – seulement 1 200 kilomètres à parcourir pour terminer mon périple. (Cela devrait être un jeu d’enfant!!).
J’ai installé moi-même le nouvel embrayage. La procédure n’était pas compliqué, mais au fond de moi, j’étais inquiet car je craignais de ne pas avoir resserré suffisamment certains écrous et je redoutais d’être à nouveau bloqué loin de chez moi.
J’espèrais cependant que ce serait la dernière partie de mon voyage, j’avais décidé de me faire accompagner d’un soutien logistique: une voiture qui transporterait la plupart des équipements (principalement des outils, pièces de rechange, vêtements, huile, essence, cartes, etc…), afin de soulager mon pauvre « Escargot » dans les collines et pour éviter à mes genoux vieillissants de devoir pédaler énergiquement pour gravir les côtes avec un Solex surchargé.
Chaque matin, je partirais environ une heure avant la voiture qui me rattraperait, je prendrais du carburant, puis la voiture irait environ 20 km devant moi et m’attendrait. Je remplirais à nouveau mon réservoir d’essence et il en serait ainsi tout au long la journée. De cette façon, je ne serais, en théorie, jamais à plus de 20 km de mes pièces de rechange, de mes outils et mes réserves de carburant.
Le fait d’avoir un véhicule me permettait également de résoudre les problèmes de logistique comme faire revenir le solex de la frontière italienne à la fin du voyage. La voiture me serait aussi utile dans le bas des Pyrénées pour transporter le Solex de la côte Atlantique à la côte méditerranéenne – c’était après tout, un voyage autour de la côte et je ne pouvais pas lancer « L’Escargot » à l’assaut des Pyrénées…-

Pour rentrer le Solex dans la voiture, j’avais dû retirer la roue avant, aussitôt après l’avoir remontée, je prenais, sous un ciel ensoleillé, la direction de l’agréable village de Talmont-St-Hilaire. Le village est dominé par un château du 11ème siècle; j’ai été un peu surpris de constater qu’une grande partie était encore intacte. Je ne crois pas que beaucoup d’édifices construits de nos jours, soient encore en bon état dans plus de mille ans!
Le roi Richard d’Angleterre, le premier (le célèbre « cœur deLion »), avait été le propriétaire du château pendant un certain temps. Il paraît qu’il en aurait hérité de sa mère, Aliénor d’Aquitaine. Il y allait souvent pour chasser, (à l’époque, il y devait sûrement y avoir plus de forêts qu’aujourd’hui), et pour déguster des vins locaux. (Qui pourrait y résiter?)
Pendant la journée, j’emportais, sur mon Solex, uniquement de l’eau et une boîte à outils de base qui me permettraient d’effectuer d’éventuelles réparations sans devoir demander de l’aide à la voiture.
Juste après Talmont, j’ai dû m’arrêter au bord de la route pour ajuster la roue avant, (je l’avais remise un peu bancale), et j’ai été immédiatement accosté par un monsieur âgé qui m’a demandé si j’avais un problème.
Je lui ai répondu que je n’avais pas de problème, que je réglais simplement la roue avant et je l’ai remercié.
Il m’a dit: « J’ai eu un Solex, vous savez – un superbe petit engin. J’avais l’habitude d’aller partout avec lui. Il m’attend encore dans un coin, au fond de mon garage. »
J’ai pensé que même si seulement la moitié des gens qui m’ont dit qu’ils avaient un Solex, pouvaient prendre la peine de le sortir du fond de leur garage, pour le restaurer et l’utiliser ensuite, la consommation de carburant en France baisserait considérablement.
La Tranche-sur-mer a été mon premier arrêt pour une petite pause. La longue plage de sable est un plaisir pour les yeux. J’ai continué ma route vers La Faute. On peut y voir beaucoup de restaurants servant les moules de la région, mais toute le long de la rue, se succédent beaucoup trop de magasins de souvenirs. Sur le pont qui enjambe la rivière Lay et relie La Faute à l’Aiguillon, se trouve un petit port avec quelques bateaux de pêche, mais surtout des yachts et des bateaux de plaisance.
De l’Aiguillon, je me suis dirigé vers l’intérieur des terres, dans le but de contourner Les « Polders », un domaine qui ressemblait beaucoup aux marais de Cambridgeshire que les Hollandais avaient également asséchés, mais dans ce cas, il s’agissait d’eau de mer et non pas d’eau douce. Le sol est très sablonneux et la culture de céréales et de légumes y est réputée.
À partir de cette parcelle de terrain à basse altitude, je pouvais apercevoir la baie de l’Aiguillon avec des milliers de poteaux en bois qui émergeaient de l’eau peu profonde. Des moules renommées étaient élevées sur des cordes attachées entre les poteaux.
Ensuite, la route tournait vers le sud et j’ai quitté le département de la Vendée pour entrer en Charente-Maritime, pas loin de ma destination pour la nuit, juste au nord de La Rochelle.

En arrivant à l’endroit que j’avais réservé pour la nuit, j’ai eu la bonne surprise de voir qu’en fait, il s’agissait d’un superbe château entouré de jardins avec une grande piscine – j’ai trouvé que ce n’était pas mal pour seulement 51 Euros la nuit.-
J’ai garé « l’Escargot » entre deux Ferraris, en prenant bien garde de ne pas rayer la peinture de mon Solex, et je me suis dirigé vers la réception où une charmante jeune femme m’a finalement informé que ma chambre se situait dans les appartements, à l’arrière du château. La queue entre les jambes, j’ai poussé « l’Escargot » vers les appartements en donnant un coup de pied à l’une des Ferraris. La chambre était O.K. car il y avait une vue agréable sur les jardins. Je me suis assis sur le balcon, j’imaginais que j’étais Richard Coeur de Lion et que je dégustais les vins de la région – la chasse pouvait bien attendre un autre jour.-
Distance totale parcourue : 1 891km.
Jour 18 –De La Rochelle à Royan.
Aucune visite de la région de La Rochelle ne serait complète sans une visite à l’île de Ré, alors j’ai pris le pont pour voir si elle était est aussi belle qu’on le prétendait. Je dois avouer que le premier endroit que je voulais voir, était la prison de la Citadelle où Papillon, (Henri Charrière), avait été emprisonné en 1933, avant d’être expédié à Cayenne, ou en Guyane française, pour y passer des années de bagne.
La Citadelle a été construite à la fin du 17e siècle pour fortifier la vieille ville de St Martin. Plus tard, elle a servi de prison pour accueillir les prisonniers condamnés à de longues peines et qui étaient ensuite envoyés dauns une colonie pénitentiaire en Nouvelle-Calédonie ou en Guyane. Il s’agit toujours d’une prison, mais elle détient rarement des « locataires » – à moins bien sûr, que vous vous conduisiez très mal…-.
J’ai vu les portes par lesquelles est sorti Papillon pour se diriger vers le voilier qui devait le mener de l’autre côté de l’Atlantique afin d’y passer une vie dure et triste.

St Martin, la capitale, est très agréable avec ses rues pavées autour du port animé – beaucoup de restaurants se succèdent sur le quai, c’est un lieu qui semble être en pleine activité- On peut y voir un certain nombre de « pittoresques » cottages à volets que vous voyez toujours sur des photos de l’île de Ré. En fait, je n’ai pas vraiment été emballé par l’endroit; c’est peut-être parce que je ne l’ai pas suffisamment exploré; mon temps à passer sur l’île étant limité.
L’entrée dans le centre de La Rochelle s’est avérée être un problème aux proportions monumentales. Le Solex n’est pas autorisé à rouler sur les routes à deux voies et tous les panneaux me dirigeaient vers ces routes. En essayant d’éviter les routes principales, je me suis rapproché de petites ruelles qui m’ont conduit loin du pont de l’île de Ré, à travers une zone industrielle, près du port.
Pas de chance- je me suis retrouvé face à un grand panneau jaune indiquant « Route barrée » à cause d’ouvriers qui creusaient la route-. J’ai emprunté d’autres routes, mais à chaque fois- 3 en tout-, j’étais bloqué par le même panneau jaune. J’ai fini par demander un conseil à l’un des ouvriers qui travaillait –
-« Pourriez-vous me dire comment aller dans le centre ville en direction d’Aytre ? »
Il m’a regardé pendant un moment comme s’il n’avait pas compris un mot de ce que j’avais dit, puis, en se grattant l’oreille droite, il m’a répondu ;
« Eh bien, pour être honnête, si je devais aller à Aytre, je ne partirais pas d’ici car c’est compliqué. »
Je lui ai répondu:
« Si j’avais le choix, je ne passerais pas non plus par ici, mais étant donné que vous faites des travaux sur toutes les routes qui semblent être les principales voies d’accès à la ville et que je ne suis pas autorisé à circuler sur la grande route … »
« Vous pouvez essayer de descendre vers le port, puis de le contourner vers le sud, et de là, vous devriez pouvoir rejoindre le centre. »
Ses camarades ricanaient et je pensais que peut-être, ils avaient ensemble mis au point un plan astucieux pour m’envoyer, au loin, sur une fausse piste, ce qui m’aurait fait perdre du temps. Cependant, je l’ai remercié et je suis parti en suivant son itinéraire qui, je dois le reconnaître, s’est avéré être très précis et a fini par m’amener sur une longue route droite, en plein cœur de La Rochelle.
Dans la ville, j’ai éludé le Vieux Port où deux énormes tours crénelées montent la garde, à l’entrée – Toutes ces fortifications indiquent qu’autrefois, la Rochelle devait être une ville stratégique.-
Un autre témoin utile m’avait dit que si je pouvais atteindre la gare, je ne serais pas trop loin de la route qui m’emmènerait à l’extérieur de la ville, dans la direction d’Aytre. Après être m’être perdu dans une myriade de belles rues étroites, très animées et décontractées avec des buveurs de café installés sur des tables de chaque côté de la rue, j’ai enfin pu atteindre la gare.
La gare ferroviaire est un beau bâtiment construit au début des années 1920 avec une imposante tour de l’horloge d’une hauteur d’environ cinquante mètres. De chaque côté, se trouvent deux grandes arches, l’une étant l’entrée de la billetterie et l’autre, celle de la salle principale.
Comme on me l’avait dit, j’ai vite trouvé le moyen de sortir en direction d’Aytre et soudain, je fus, une fois de plus, au milieu de la campagne. A Chatelaillon-Plage, j’avais une vue sur la mer. L’ancienne route longe la nouvelle autoroute, tous les automobilstes ayant choisi l’itinéraire le plus rapide, j’ai pu rouler tranquillement sur une route paisible le long de la campagne déserte.
C’était bon d’être seul sur la route et de pouvoir voyager dans une campagne paisible où les faucons, les hérons et divers oiseaux échassiers décollaient à mon approche en s’élançant dans le ciel bleu, décrivant des cercles avant de revenir au sol pour continuer leur quête de nourriture.
Quand je suis entré dans le petit village d’Yves, un cycliste posait pour une photo que sa partenaire féminine s’apprêtait à prendre, il était adossé au panneau du village – je me demande ce que son nom représentait à l’époque.-
Plus tard, j’ai croisé un groupe de gitans qui campaient à l’ombre, sous deux grands chênes. Ils avaient quatre ou cinq chevaux attachés par des chaînes et étaient entourés de quelques tonnes de ferraille. Cependant, lorsque je suis passé, ils se sont tous levès, m’ont fait un signe, puis m’ont applaudi quand je me suis éloigné. Je ne pouvais m’empêcher de penser qu’ils m’avaient peut-être confondu avec un ami perdu de vue depuis longtemps et qui réapparaissait soudainement après plusieurs années d’absence. Je ne me suis pas arrêté pour en savoir en plus, car ils en voulaient peut-être à la ferraille de « l’Escargot ».
J’ai continué vers Rochefort et j’ai pris une petite route, en direction de Marennes, qui m’a mené dans une autre « zone de polders » marécageuse. La route était plate, bordée d’une faune abondante et d’un grand nombre de jolies fleurs sauvages.
C’est sur cette route que je suis tombé sur un vrai bijou inattendu: Brouage.
En pleine campagne, au milieu de marais, est apparue tout à coup, une petite ville avec la plus énorme des murailles fortifiées.Les murs de pierre sont très larges et on peut marcher le long de la partie supérieure – plusieurs magnifiques tours de surveillance se dressent, stratégiquement réparties le long des murs – .
Il semblerait qu’au seizième siècle, Brouage était le centre du commerce du sel, un produit coûteux et très recherché à l’époque. Un port avait donc été construit pour accueillir les cargaisons de sel venant d’autres pays de l’Europe. En ce temps là, Brouage était sur la côte et non pas à trois kilomètres, à l’intérieur des terres comme aujourd’hui.
À la fin du dix-septième siècle, le port a commencé à être ensablé par le limon, ce qui entraîna par la suite la mort du port de Brouage.
J’ai roulé sous l’une des grandes portes, à travers le mur de la ville, ou plutôt du village, sur des pavés de grosses pierres qui sont devenues brillantes, suite à des siècles d’utilisation. Il y a une petite cellule, (une sorte de petite prison), des magasins pour stocker la poudre et plusieurs autres bâtiments dont un musée du vélo qui était fermé. Les pavés ont bien secoué « Escargot », mais c’était un plaisir de voir un aussi charmant petit endroit qu’apparemment peu de gens avaient découvert.
Quelques kilomètres plus loin, je me suis arrêté à Marennes, une ville ombragée et je me suis assis à l’ombre pour déjeuner sur un banc au milieu d’une place carrée, bordée d’arbres et bien que la journée ait été assez chaude, cet endroit était calme et agréable.
Bien que Marennes ne soit pas une grande agglomération, j’ai tout de même trouvé le moyen de me perdre en sortant de la ville et avant que je m’en rende compte, j’étais sur une route sans issue, vers un endroit qui s’appelle La Cayenne.- Je me suis douté que j’étais sur la mauvaise voie quand la route est devenue un chemin de terre avec de grands nids de poules – Je me suis arrêté à un petit bloc de cabanes où des gens triaient des huîtres de différentes tailles, les nettoyaient avant de les mettre dans des caisses.
Une dame très obligeante m’a indiqué la direction: je devais retourner en ville et traverser le pont sur la rivière la Seudre. La route semblait plus inclinée qu’elle n’était en réalité – « l’Escargot » a facilement franchi le pont et nous avons rapidement rejoint la forêt juste après Ronce-les-Bains.
La chaussée était en mauvais état- des grosses bosses causées par les racines des pins qui longeaient la route-. J’ai dû rester en alerte et garder un œil ouvert pour éviter d’être éjecté du Solex.
Comme je devais me diriger vers l’est, je suis passé par le Palmyrosa Zoo et un grand jardin qui vendait un grand nombre d’oliviers de différentes variétés. Ils étaient de toutes les tailles – le plus souvent très grands- plantés dans un assortiment de pots adaptés à leur taille.
C’est à peu près à cet endroit que j’ai parcouru mon 2 000 ème kilomètre depuis mon départ de Dunkerque.
Bien que je sois resté aussi près de la côte que les routes le permettaient, je n’avais pas beaucoup vu l’océan jusqu’à ce que je m’approche de Saint-Palais-sur-mer. J’ai pu admirer une belle plage de sable fin et de nombreuses cabines de pêcheurs sur pilotis comme celles que j’avais vues plus tôt, dans le nord. J’ai noté que plusieurs très gros troncs avaient été rejetés sur le rivage, probablement lors d’une grande tempête – ils mesuraient deux ou trois mètres de diamètre et plusieurs mètres.
J’ai apprécié un délicieux repas de fruits de mer dans un petit restaurant face à la mer.

Distance totale parcourue: 2 028 km
Jour 19 – De Royan à Arcachon.
J’ai décidé de prendre le ferry, tôt le matin, de Royan à l’embouchure de la Gironde et je suis heureux de l’avoir fait parce que la ville, l’estuaire et les plages brillaient dans la lumière du soleil qui semblait donner une teinte dorée à tout ce magnifique paysage.

Un grand car-ferry, construit en Espagne, a mis environ trente minutes pour traverser Le Verdon, une rivière qui, à cet endroit, mesure environ sept kilomètres de large.
À bord, j’ai rencontré un couple des cyclistes, des personnes âgées qui venaient d’Ouistreham, en Normandie et qui, comme moi, voulaient aller jusqu’à la frontière espagnole, à Hendaye. Ils ont estimé pouvoir parcourir environ soixante ou quatre-vingts kilomètres par jour. Ils campaient chaque nuit et transportaient beaucoup de matériel dans des paniers accrochés sur leurs vélos.
Je les admirais et j’aurais souhaité que mes genoux soient capables d’avancer comme eux, en ayant dormi dans une petite tente – je suis sûr qu’ils étaient aussi épuisés que moi à la fin de chaque journée et, en plus, ils devaient monter leur tente et préparer un repas.
A Soulac-sur-mer, j’étais de retour dans la région des pins – uniquement des pins, des sapins, des pins et encore plus de pins- et de plus en plus de terre sablonneuse. À un moment, j’ai commencé à compter les arbres – je n’avais rien d’autre à faire- je suis arrivé à environ dix millions, puis, comme je commençais à m’endormir, je me suis arrêté.
La route que j’ai suivie, n’était environ qu’à un kilomètre de la mer, malheureusement, à cause de ces fichus arbres, je ne pouvais même pas l’apercevoir. De temps en temps, des petites routes menaient à la mer et j’ai pu remarquer que certaines d’entre elles débouchaient sur plusieurs camps de nudistes isolés. Ils faisaient de la publicité pour un hébergement à 13 Euros la nuit, alors que j’avais réservé ma nuit à Arcachon pour 60 Euros !
À un moment donné, la route était interdite aux véhicules motorisés – seuls les piétons et les cyclistes pouvaient passer dans la réserve naturelle de la forêt d’Hourtin – j’ai eu l’idée, un instant, de lever le moteur et de pédaler sur le chemin à travers la réserve, mais j’y ai renoncé en me rappelant l’horreur lorsque la pédale d’embrayage m’avait abandonné, plus tôt, au cours mon voyage. J’ai donc dû faire un assez long détour autour du Lac d’Hourtin-Carcans, mais, finalement, j’étais content de l’avoir fait, car la vue, sur le lac, plus au sud du village de Maubuisson, était superbe et j’en ai profité pour me reposer de l’extrême chaleur de la journée et pour déguster une glace ou deux.

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Un autre lac suivit, le Lac de Lacanau. Je me suis dirigé un peu à l’intérieur des terres pour un autre arrêt à Le Porge où la température avait désormais atteint trente-sept degrés. Je me suis assis sur un banc, près d’un monument aux morts, à l’extérieur de l’église. J’étais à côté d’un vieil homme qui m’a regardé comme si j’avais assassiné ses petits-enfants. Il avait un vieux vélo en mauvais état, appuyé sur l’extrémité du banc sur lequel nous étions assis. Comme presque tous les hommes de plus de quarante ans, en France, il portait une cote d’un bleu délavé, des bottes et une casquette – son visage était couleur brique et il avait des grandes oreilles poilues.
« Vous allez faire le Tour de France, cette année ? » ai-je demandé avec un sourire, en pointant du doigt son vélo.
« Non », m’a-t-il répondu, et il s’est levé, a pris son vélo et s’en est allé de l’autre côté de la place du village pour s’asseoir sur un autre banc.- Que voulez-vous, on ne peut pas gagner à tous les coups…-

Autour du Bassin d’Arcachon, la circulation était très dense, car tous les automobilistes étaient pressés de rentrer chez eux, après leur journée de travail. Personne ne prêtait attention à un petit Solex qui essayait de rester aussi près que possible du bord de la route.
En m’approchant d’Arcachon, je me suis arrêté sur le port de Larros pour demander mon chemin, et je me suis adressé à trois ouvriers d’un des ateliers du port. Ils étaient passionnés de motos et ne pouvaient pas croire que je faisais le tour des côtes de France en Solex. L’un d’entre eux était monté jusqu’à Séville, mais sur une grosse moto, et cela remontait à de nombreuses années. Ils m’ont donné les renseignements que j’avais demandés et m’ont salué avec respect.
A la fin de mon parcours, je me suis arrêté à Hume où j’ai pris une douzaine d’huîtres locales et un « demi » de Sauvignon blanc – une excellente façon de terminer une longue et très chaude journée. Après cela, le monde nous paraît beaucoup plus beau…
. Distance totale parcourue: 2 181 km
Jour 20 –D’ Arcachon à Cap Breton.
Le lendemain, je me suis levé très tôt, car non seulement la journée allait encore être longue et chaude, mais aussi parce que je voulais visiter la Dune du Pilat qui est juste à l’extérieur d’Arcachon. Cette dune est la plus grande dune de sable d’Europe; elle mesure environ 7 kilomètres de long et 500 m de large, atteignant une hauteur de 110 mètres au-dessus de la mer.
C’est une bizarrerie de la nature. Le vent dominant vient pratiquement toujours de l’ouest, c’est-à-dire de la mer, provoquant ainsi le déplacement de bancs de sable. Le fléau d’Arquin qui souffle du large, accumule le sable sur la dune et, quand celle-ci a atteint une certaine hauteur, le sable tombe en cascades sur la côté Est de la dune.
Il a été démontré que la dune avançait à l’intérieur des terres à une vitesse allant jusqu’à 5 mètres par an. La dune progresse à une telle rapidité qu’une maison qui avait été construite au bord de la dune en 1926, avait complètement disparu en 1936. Une route et de nombreux pins, (pas une grande perte pour cette région, j’imagine), ont également été ensevelis sous la dune au fil des années, tout comme certaines parties du mur de l’Atlantique, les fortifications côtières construites par les Dune du Pilat.

Je suis arrivé vers sept heures et demie du matin et le parking était vide – J’étais le premier à escalader la dune ce jour-là, assistant au lever du soleil au-dessus des arbres, derrière la dune-. Marcher dans le sable jusqu’au sommet aurait été trop pénible pour moi, mais heureusement, une succession d’escaliers en fibre de verre m’a rendu la tâche plus facile.
J’étais assez essoufflé en arrivant en haut des escaliers et il restait encore une bonne distance à parcourir pour atteindre le sommet. J’ai croisé deux ou trois personnes dans le cocon de leur sac de couchage – des jeunes qui avaient manifestement passé la nuit sur la dune – .

En approchant du sommet de la dune, j’ai vu comme la figure d’un Bédouin qui était assis dans le sable, dos au vent et enveloppé dans un drap en tissu, Face à la mer, il semblait en transe. Le vent était fort à cette hauteur de la dune et le sable fouettait son dos.
Le Bédouin était assis à côté d’un panier dans lequel j’ai pu voir une bouteille d’eau partiellement recouverte par le sable qui avait presque rempli le panier.

Le Bédouin s’est avéré être une femme française, probablement dans la trentaine, qui semblait-il, avait récemment perdu son mari et avait maintenant l’intention de prendre du temps pour elle-même.Elle avait donc décidé de grimper jusqu’au sommet de la Dune du Pilat, à une heure du matin, et de rester là, à regarder le soleil se lever en étant recouverte de sable. Je suis sûr que cela devait être une expérience émouvante pour elle, mais je me demandais juste quel effet, tout ce vent et ce sable devaient avoir sur sa peau.
La vue était remarquable et j’ai pu clairement voir le bassin d’Arcachon autour duquel je me promenais la veille. J’apercevais aussi le Cap Ferret et, au large des côtes, le banc de sable qui est à l’origine de l’existence de la dune. À l’est, se trouvaient de vastes étendues de forêts qui brillaient dans le soleil du matin – il faut se lever tôt pour pouvoir apprécier tout ça, car j’imagine qu’au milieu de la matinée, la dune devait être prise d’assaut par une foule de visiteurs-.

Une fois redescendu au niveau de la mer, j’ai repris mon chemin à Biscarrosse-Plage, mais, au sud, la route donnant accès à la côte était interdite, car elle avait été déclarée zone militaire. J’ai dû, par conséquent, faire un détour qui m’a mené encore à un lac. Ensuite, j’ai pris la direction de Cap Breton et comme c’était un jour férié, il y avait beaucoup de monde et les plages étaient plus accessibles.
Je connaissais déjà Cap Breton, pour y être allé plusieurs fois et j’avais vraiment beaucoup aimé la ville qui malheureusement, souffrait à cause de jeunes atteints du syndrome « des motos pétaradantes ». Je trouve cela très énervant, surtout quand on est assis à la terrasse d’un hôtel en train de déguster une bonne bière fraiche, après une autre journée étouffante
Pour éviter le bruit des motos, j’ai décidé de faire une promenade le long des berges de la petite rivière qui traverse la ville. Je me reposais sur un banc, plus ou moins hors de portée des vrombrissements des motos quand un motard est arrivé sur le pont en tentant de faire une « wheelie »- c’est à dire de rouler seulement sur la roue arrière.- Je l’ai regardé faire son spectacle avec un sourire en coin, car sa roue arrière est allée trop en avant et le pilote fut éjecté, il a atterri sur la chaussée tandis que la moto continuait, seule, sa route en tapant dans le garde-fou du pont. Il ne semblait pas être blessé quand il s’est relevé. Après avoir retiré la terre de ses vêtements, il est reparti avec sa moto, la queue entre les jambes – chacun son tour –
Bien que je ne souhaitais pas que le motard soit blessé, j’ai éprouvé un sentiment de grande satisfaction…
Distance totale parcourue: 2 323 km
Jour 21 De Cap Breton à Hendaye.
Une journée relativement courte suffirait pour terminer mon périple le long de la côte Atlantique, c’est à dire jusqu’à Hendaye, à la frontière espagnole.
Bayonne est beaucoup plus petite que je le pensais. J’y suis entré par le côté Est de l’Adour où la plupart des petits bateaux de pêche sont amarrés. Je me suis arrêté près d’un groupe de pêcheurs qui s’affairaient à prérarer leurs bateaux pour une nouvelle sortie en mer, mais ils furent tous heureux d’interrompre leur travail pour regarder le Solex – la plupart d’entre eux étant d’un certain âge, il leur rappelait de bons souvenirs de jeunesse.-

Ils étaient tous très aimables et ont tenu à se faire photographier à côté de « l’Escargot ». J’ai même posé avec eux, devant un mur peint de la cabane dans laquelle était entreposé leur matériel de pêche.

J’ai découvert un fait intéressant à propos de Bayonne – il semblerait qu’au dix-septième siècle, les paysans, qui étaient à court de poudre à canon, avaient décidé d’attacher des couteaux à leurs fusils pour se protéger. C’est ainsi que, plus tard, on donna le nom de « bayonnette » à cette nouvelle arme.
J’ai suivi la route qui longe l’autre rive de l’Adour, puis le petit bras de mer reliant Biarritz à l’océan. J’ai pu admirer des maisons somptueuses et des belles plages réputées pour le surf.
Au dix-neuvième siècle, il était à la mode pour les dignitaires et les membres des familles royales de toute l’Europe de venir à Biarritz, d’où son architecture raffinée. Les rues étaient occupées et « Escargot » a été beaucoup admiré quand il se frayait un chemin à travers une circulation importante.
Au sud, les versants des Pyrénées émergeaient d’une brume bleutée. Jusqu’alors, l’Escargot et moi étions parvenus, sans trop de mal, à gravir les collines rencontrées sur notre chemin. La plus grande difficulté que nous avons dû surmonter, ont été les fortes chaleurs, car pendant trois jours consécutifs, la température atteignait les trente-sept degrés. Derrière la visière, j’avais la sensation d’être dans une serre où je transpirais abondamment, mais si je la relevais, mon visage se couvrait de mouches et le vent me faisait pleurer.

Hendaye n’est pas loin de Biarritz, mais la circulation était dense à cause de la fermeture d’une section de l’autoroute locale – ce n’était pas un problème pour le Solex qui pouvait facilement circuler entre les files d’attente -, mais cela ralentissait sérieusement mon véhicule de secours et j’ai dû l’attendre pour atteindre la frontière. De Hendaye, je pouvais voir l’Espagne, de l’autre côté de l’estuaire du fleuve. J’ai savouré une bonne bière pour fêter la fin de mon parcours le long de la Manche et de l’océan Atlantique. L’heure était donc venue de retirer la roue avant de « l’Escargot », de la mettre dans la voiture et d’aller à l’intérieur des terres, vers Marciac où j’allais prendre un jour de repos bien mérité, avant de reprendre la route, plus à l’Est, afin de longer les côtes méditerranéennes.

Distance totale parcourue : 2 380 km
Jour 22 – Port Vendres à Canet Plage.

Quand je suis arrivé sur la côte méditerranéenne, un vent, venant de la mer, soufflait en fortes rafales-(force de 5 à 6)-.Il venait de ma droite et il m’était très difficile de maintenir une ligne droite sans risquer d’être poussé contre un autre véhicule. J’ai donc décidé de me reposer dans le petit port de Collioure où je pourrais manger et attendre que le vent se calme.
J’ai pique-niqué au bord de l’enceinte du château qui donne sur la mer d’un côté et sur la ville de Collioure de l’autre. Je mangeais mon deuxième sandwich au jambon quand un vagabond est venu s’installer à quelques mètres de moi. Il avait les cheveux longs, une barbe très buissonnante et n’avait pas dû prendre de douche depuis longtemps.Toutes ses affaires tenaient dans un sac en plastique attaché à un caddy de supermarché.
Il y avait également attaché un petit chien avec un morceau de ficelle en guise de laisse et il ne cessait pas de lui parler ou peut-être se parlait-il à lui même… Il s’assit sur le sol, en face de moi et a commencé à ranger ses affaires. Quelques minutes après, une femme élégante est arrivée en promenant son chien. Elle est passée devant le vagabond sans s‘arrêter, puis est revenue lui parler.
Je n’ai aucune idée de ce qu’elle lui a dit, mais le vagabond est tombé en larmes, pleurant de plus en plus fort. La dame continuait de lui parler et d’après ce que je pouvais voir, cela semblait être assez convivial et il a fini par se calmer.
Quelques minutes plus tard, ils se sont levés tous les et sont partis ensemble. J’ai pris le temps de me promener à travers les ruelles de Collioure qui étaient remplies de marchands de glaces, de boutiques de souvenirs et de galeries d’art.

Collioure est célèbre pour la présence, au début du xx e siècle, de plusieurs peintres dont Matisse et Derain qui ont conçu le Fauvisme.
Je vous entends dèja dire : Qu’est-ce que cela veut dire ? Vous ne savez pas ce qu’est le fauvisme !!!??
Eh bien, le fauvisme est caractérisé par l’audace et la nouveauté de ses recherches chromatiques. Les peintres ont recours à de larges aplats de couleurs violentes, pures et vives, et revendiquent un art fondé sur l’instinct. Ils séparent la couleur de sa référence à l’objet, afin d’accentuer l’expression, et réagissent de manière provocatrice contre les sensations visuelles et la douceur de l’impressionnisme.
Maintenant, bien sûr, nous savons tous ce qu’est le fauvisme ……..
Beaucoup de ces peintures exposées dans les galeries, représentaient la tour a l’entrée du port – un ancien phare de 15e siècle au look phallique qu’une personne, « dans sa sagesse », n’a rien trouvé de mieux que de peindre le sommet en rose…-

Le vent se calma et changea légèrement de direction, J’étais pressé de rattraper le temps perdu. J’ai même pu bénéficier d’un vent arrière sur la plus grande partie de la route jusqu’à Canet Plage où le ciel s’est soudainement rempli de ce qui semblait être des bandes d’oiseaux multicolores et lumineux, voletant de haut en bas au-dessus des vagues. Il s’agissait en fait des kitesurfers et Canet Plage est l’endroit idéal pour pratiquer ce sport.
Distance totale parcourue: 2 410 km
Jour 23 – Canet Plage à Sigean.
Le vent qui avait diminué depuis la veille, soufflait maintenant dans mon dos, ce qui m’a permis de bien progresser tout au long de la matinée. Je me sui arrêté à Port St Ange, près de Barcarès et je me suis reposé à l’extérieur du bureau de l’Autorité Portuaire en regardant un groupe de plongeurs qui chargeaient leur bateau avant de partir pour une sortie de plongée – cela m’a rappelé de bons souvenirs quand j’avais l’habitude de faire la même chose à l’époque où j’habitais au Portugal.
J’ai réussi à me perdre dans la petite ville de Leucate; il semblerait que ce don de m’égarer n’est plus limité aux grandes villes, mais il est toujours extrêmement ennuyeux car cela rallonge mon itinéraire quotidien.

Peu après Leucate, j’ai contourné un autre grand lac séparé de la mer par une étroite bande de terre sur laquelle le roulais. Comme je n’avais pas prévu une journée aussi longue, j’ai décidé de m’arrêter pour un « véritable » et long déjeuner sur le front de mer, à Port La Nouvelle où j’ai mangé une excellente paëlla.

Je me suis arrêté pour la nuit dans un mobile home à Sigean, au milieu d’un assez joli parc lorsqu’un monsieur qui occupait le mobile home voisin, lavait au jet d’eau, deux chars a voiles couvertes de sable qu’il avait attachés sur le toit de sa voiture. Il n’avait pas voulu le faire chez lui, car c’était manifestement pour le travail. Il m’a dit qu’il pouvait atteindre la vitesse de 80Km/h de sable dur et humide des plages locales – j’ai pensé que j’aimerais bien faire la même chose un jour.-
Dans la soirée, mon soutien logistique et moi, nous sommes allés en ville pour trouver un endroit avec une connexion Wi-Fi et boire un verre. Nous sommes tombés sur un bar assez extraordinaire appelé « La Maison 1852 », au coin d’une rue, dans le centre de Sigean qui est plein de caractère.

Le bâtiment lui-même, probablement construit en 1852,a la plupart de ses ornements aux murs en plâtre et le plafond est peint dans des couleurs voyantes et lumineuses. Le bar est rempli d’un assortiment de vieux meubles – canapés, fauteuils et tables d’occasion datant d’une autre époque. Cette collection de vieux objets hétéroclites cadre trés bien avec le décor, mieux que dans un musée. – une vieille mobylette cyclomoteur, un mannequin de tailleur, des machines à écrire – pas grand chose de commun avec un bar, mais intéressant à voir.
Le bar semblait être dirigé par deux femmes et en regardant autour, j’ai remarqué qu’il y avait plus de femmes que d’hommes qui consommaient et qui discutaient. J’ai pensé que j’étais tombé dans un foyer de lesbiennes – eh bien, il faut de tout pour faire un monde !
Distance totale parcourue: 2 464km
Jour 24 – Sigean à Sète.
Le lendemain, j’ai commencé la journée en traversant le magnifique village en pierre de Peyriac – un des plus beaux endroits qu’il m’ait été donné de visiter.- Même dans ce petit village, j’ai réussi à me tromper de route en voulant en sortir. Je suis passé sur une longue passerelle qui traverse une vaste étendue d’eau salée pour arriver à un petit port avec trois ou quatre bateaux de pêche amarrés à la jetée. Il n’y avait personne pour me renseigner et j’ai commencé à penser que j’avais dû prendre une mauvaise direction.
J’ai aussitôt continué mon chemin, mais quand la route s’est terminée en voie sans issue, j’ai fait demi-tour et je me suis retrouvé sur une autre petite route que je croyais, cette fois, être la bonne direction. C’était tôt, le matin, le ciel était encore bas dans le ciel; les aigrettes, les hérons et des mouettes m’ont observé quand je les ai dépassés dans une vague de lumière dorée et une brume légère qui recouvrait encore les salines.
Finalement, je suis passé à travers une série de vignobles menant ensuite à une maison imposante où de toute évidence, se faisait la vinification du jus de raisin. La route devenait ensuite un chemin et il était clair qu’il ne me mènerait nulle part ailleurs qu’au milieu du vignoble. J’ai frappé à une porte, puis à une autre, vers l’arrière, mais bien qu’il y ait deux voitures garées à l’extérieur, personne n’a répondu.
Je suis retourné à Peyriac, mais pour une fois, j’étais heureux d’avoir pris un mauvais chemin et de me perdre dans un endroit aussi calme et magnifique dans lequel je semblais être le seul être vivant, (à l’exception, bien sûr, de la faune qui rendait les lieux encore plus agréables).
Le prochain village, Bages, était aussi très joli, perché sur une colline dominant un grand lac. Son architecture rappelait l’Italie avec la route qui longeait le bord de l’eau.
J’ai décidé de plonger tout droit, au centre de Narbonne, que j’ai trouvé assez facile à traverser. »Escargot » se délectait d’être dans une ville relativement encombrée, ce qui nous a permis de voyager à une vitesse légèrement inférieure à la normale – le Solex ne voulait pas manquer un seul instant de cette journée.
La route de Narbonne était toute droite et très ennuyeuse jusqu’à Coursan où j’ai pris les petites routes en direction de Fleury, près de la côte, à travers les champs marécageux avec des fossés de drainage et des vaches léthargiques qui broutaient toute la journée. J’ai suivi la rivière Aude et en m’approchant de la mer, j’ai croisé beaucoup d’oiseaux sur une longue route pratiquement déserte.
A l’entrée de la ville d’Agde, je suis allé par inadvertance sur une route à deux-voies, (ce qui n’était pas signalé sur ma carte), et une fois au bout de la bretelle, je ne pouvais pas faire demi-tour. Il y avait une large bande d’arrêt d’urgence, ce qui m’a permis d’être en sécurité pendant un moment, même si techniquement, j’étais en infraction avec la loi. Cependant, après quelques kilomètres, une autre voie rapide rejoignait ma route sur la droite.
Des camions et des voitures roulaient très vite sur les voies et je n’avais pas d’autre choix que de m’arrêter à l’intersection des deux routes et d’attendre un creux dans la circulation pour ensuite courir sur la bande d’arrêt d’urgence en poussant, comme un fou, « Escargot » devant moi. Je n’ai jamais vu la mort d’aussi près…
Agde est traversée par une agréable rivière.On peut y admirer de belles constructions anciennes et une église très imposante. J’ai eu quelques difficultés à trouver mon chemin en sortant de la ville, (cela devenait une habitude), mais finalement, j’ai réussi, en suivant mon instinct, à rejoindre la route à Marseillan Plage où j’ai dû rouler, pendant une vingtaine de kilomètres, sur une très étroite bande de terre qui sépare la mer du Bassin de Thau.
Je me suis arrêté à l’une des rares places de stationnement libres sur cette route . C’est avec plaisir que j’ai pu admirer une vue sur la mer en sirotant une boisson fraîche, au bar de la plage situé sur une longue étendue de sable fin, juste avant Sète.
J’ai contourné Sète et j’ai rapidement repris la direction de Frontignan, ma destination de la journée.
Distance totale parcourue: 2 581km
Jour 25 – Sète à Port St Louis.
Une nouvelle fois, je suis parti tôt, car j’avais une longue route qui m’emmènerait dans la Camargue. Tenant absolument à longer la côte, j’ai réussi à éviter Montpellier et cela faisait longtemps que j’avais eu l’occasion d’observer des flamants roses se pavanant dans la vase qu’ils draguaient quelque soit ce qu’ils pouvaient y trouver.

De nombreuses salines longent la route avec de petites évantaires vendant du sel de Camargue. Sur toutes les photos de la Camargue, on peut voir des troupeaux de chevaux blancs galopant à travers l’eau peu profonde comme s’ils posaient pour être photographiés.
J’ai vu un bon nombre de chevaux blancs, mais ils étaient tous debout et broutaient l’herbe dans les champs tout comme le font les chevaux de toutes les autres régions du monde –c’était très décevant.-
Aigues Mortes est encore une autre belle ville médiévale, mais les murs ici semblent former une enceinte parfaitement carrée, dominée par de redoutables tours.Des fortifications protègent de nombreuses maisons avec des rues étroites fréquentées par une foule de touristes venus visiter les lieux.
Les routes, à travers la Camargue marécageuse, étaient agréables, plates avec peu de circulation. Mes seuls compagnons de voyage étaient, en majorité, des cyclistes, vêtus d’un assortiment en lycra scintillant arborant des publicités. La plupart d’entre eux ont été en mesure de me dépasser sur leur vélo de course bien plus léger que mon Solex.
Mais, cela ne me dérangeait pas vraiment, car je préférais rouler tranquillement, le soleil brillait et la campagne était agréable.
Je me suis arrêté pour déjeuner dans un restaurant qui avait été créé dans une ancienne église qui, auparavant, faisait partie d’un monastère – c’est une halte connue par les nombreux cyclistes qui m’avaient doublé peu avant. Ils étaient néanmoins tous intéressés par mon Solex et par le récit de mon périple le long des côtes.-

La Camargue étant une région très humide, c’est un lieu de reproduction pour les insectes qui pullulaient et j’ai réalisé que si je ne mettais pas la visière de mon casque, mon visage et yeux seraient bientôt couverts de mouches. Avec la visiére bien sûr, j’avais trop chaud, mais c’était plus confortable.
Je suis passé par le Château d’Avignon, construit en 1740. Il a été acheté par Louis Noilly-Prat, le célèbre marchand de vin, qui y a installé toutes les dernières commodités existant à l’époque, c’est-à-dire: l’éclairage électrique, le chauffage central, l’eau courante (chaude et froide), une salle de bain entièrement équipée. Le château est maintenant la propriété de l’autorité locale et n’est plus ouvert au public.
Je me suis arrêté pour la nuit à l’hôtel Camargue à Salin de Girand – Sa propriétaire était excentrique, un peu négligée – poussièreuse- mais très originale. Lorsque je me suis arrêté à l’extérieur de l’hôtel, il y avait deux vieux messieurs, assis à une table de la terrasse et ils avaient une discussion très animée.
L’un d’eux, que je vais appeler Victor, était élégamment vêtu d’une chemise blanche avec une cravate, d’un pantalon rayé et de chaussures de luxe. Il arborait une magnifique barbe sur un visage d’un gris cadavérique – il donnait l’impression d’être resté enfermé depuis une éternité-. Victor avait une canne noire – décorée d’une belle tête en argent – qu’il utilisait de temps en temps pour frapper des grands coups sur la table afin que le garçon se précipite pour lui servir une autre boisson.
Son compagnon, Claude, qui participait moins à la conversation, avait une apparence plus rustique que son ami. La peau de son visage laissait à penser qu’elle avait été mise à sécher, pendant plusieurs semaines, sous le soleil des tropiques; alors que ses petits yeux perçants contrastaient avec son visage très ridé.
J’ai descendu mon Solex du trottoir pour le garer à l’extérieur de la porte d’entrée de l’hôtel, juste à côté de leur table. Ils ont interrompu leur conversation et levé les yeux quand j’ai retiré mon casque et mes gants, puis ils m’ont fait signe de les rejoindre.
J’ai serré la main de Victor. C’était un peu comme si je tenais «un hareng visqueux»; la poignée de main de Claude était comparable a un étau.
« Ah, un Velosolex! Je n’en n’ai pas vu depuis de nombreuses années « dit Victor. « Cela me rappelle celui que mon grand-père avait acheté juste après la guerre – il devait être l’un des premiers de la production et il y ne devait sûrement pas y en avoir d’autres dans les environs, c’était vraiment très rare. ».
Il a frappé sa canne sur la table, ce qui m’a fait sursauter, et le serveur est venu tout de suite avec un autre verre d’alcool, puis Victor a continué son histoire.
« Je me souviens qu’il m’a dit qu’une fois, il avait fait l’aller-retour d’Arles à Nîmes – un très long chemin pour un Solex. » (En fait, cela faisait cinquante-six kilomètres.) « Quand il est revenu, il était épuisé et après avoir mis le solex contre un arbre, il avait posé son chapeau par terre et s’était assit à côté, à l’ombre pour se reposer. »
« Quelques villageois qui passaient là, avaient jeté quelques pièces de monnaie dans sa casquette…Mon grand-père avait été surpris, mais heureux et il est resté là, une bonne partie de la soirée afin de recueillir suffisamment d’argent pour s’acheter quelques boissons. »
« Le dimanche suivant, il est allé à la messe et le bruit courait qu’il avait reçu en aumône, une certaine somme d’argent de la part des autres villageois. Le prêtre l’a réprimandé et a insisté pour qu’il donne, à l’église, l’argent collecté.- Je ne suis pas sûr qu’il l’ait fait, mais, en tout cas, il n’est jamais retourné à la messe par la suite- «
Distance totale parcourue: 2 703km.
Jour 26 – De Port St Louis à Marseille.
Juste après Salin de Giraud, j’ai traversé le Rhône sur un ferry gratuit et j’étais bientôt en direction de Martigues. J’ai pris conscience de l’accumulation de nombreux poids lourds et camions conteneurs qui roulaient. Sur ma droite, je pouvais voir le port à contenairs et un peu plus loin, le port de minéraux. C’était sûrement la zone industrielle de la région de Marseille et je roulais bientôt en passant une ligne ininterrompue de transporteurs des usines chimiques dont les cheminées crachaient des nuages dans un ciel pourtant clair.
Même la terre, dans cette zone, semblait morte; cela devait être dû à une forte pollution causée par les « pluies » quotidiennes de vapeurs de l’industrie chimique. – juste un frêle taillis de brousailles brunâtres avait réussi à survivre- Il n’y avait aucun oiseau dans les environs et j’ai classé cet endroit comme étant la pire région de France que j’avais traversée jusqu’ici -.
J’ai dû me concentrer pour maintenir une ligne droite afin d’éviter d’être renversé par les camions, tout en temps gardant mes yeux sur la route devant moi. Quand j’ai pu regarder vers le haut, j’ai vu des lignes électriques à gauche, des éoliennes à droite et partout ailleurs, des usines sans aucun charme architectural, semblables aux blockhaus allemands que j’ai croisés plus tôt dans mes voyages.
À Port de Bouc, je suis tombé sur l’office du tourisme qui m’a été très utile car ma carte indiquait que la plupart des routes qui traversaient la ville, étaient interdites au Solex. Une jeune femme extrêmement serviable avec des yeux pétillants, des cheveux longs et portant un de ces jeans dangereusement serrés..,m’a donné un plan de la ville, puis m’a indiqué avec détails, la meilleure et peut-être la seule route pour traverser Port de Bouc. Je devais longer un canal sur une route qui n’avait pas dû être entretenue depuis l’époque de Napoléon, mais qui avait l’avantage de m’éviter une circulation intense…
Peu après, la campagne a cédé la place au site urbain de la banlieue de Marseille. C’était une journée très chaude et dans la ville, l’atmosphère sans air était encore plus lourde. J’ai déposé le Solex à l’hôtel où je devais passer la nuit. Comme il était encore tôt, c’est en touriste que je me suis promené quelques heures.
Je suis monté à bord d’un petit “train bondé de touristes ” qui roulait autour de la ville – je me suis assis sur un siège dur – ce train avait, de toute évidence, été conçu pour transporter des nains. – Le commentaire était en quatre ou cinq langues différentes, si bien qu’au moment de l’explication en Espagnol, nous étions déjà loin de l’endroit concerné.
La ville a beaucoup investi dans le réaménagement de la zone autour du marché aux poissons et des ports de plaisance. Je pense que le manque d’argent explique l’état pitoyable des routes.
Le train nous a emmenés jusqu’à la chapelle Notre Dame de la Garde, l’église en haut de la colline qui domine la ville et d’où, il y a, je dois admettre un très beau point de vue sur Marseille. En haut de sa tour, Notre Dame arbore une massive statue en or de la Vierge Madonna.

Mon hôtel était situé dans ce qui devait être un minable quartier Arabe, ou peut-être dans l’un des nombreux quartiers de la cité. J’avais d’abord cru que j’allais goûter une authentique bouillabaisse du port de Marseille, mais, à vingt huit euros, ma mentalité avare a pensé que cela ne m’empêcherait pas de vivre si je m’en passais. A la place, j’ai décidé de partir à la recherche d’un restaurant, près de l’hôtel, où je pourrais choisir un menu plus modeste.

Ici, les routes étaient dans un état encore pire qu’ailleurs avec des quantités de déchets qui s’étalaient partout comme si c’était pour cacher les trous et les fissures à la surface de la rue. Les restaurants étaient inexistants, mais il y avait quelques points de restauration rapide, cela ne m’a pas plu. Finalement, j’ai abandonné et je suis allé dans ce qui était présenté comme une pizzeria. En plus des pizzas, il y avait au menu, une sélection de produits alimentaires d’Afrique du Nord et j’ai apprécié une sorte de pain plat garni de viande hachée, épicée et des gâteaux extrêmement sucrés – c’était comme si le magasin avait été déplacé d’une rue de Marrakech jusqu’à une rue de Marseille.
Distance totale parcourue : 2 763km
Jour 27 – De Marseille à Fréjus.
Comme je sentais que j’approchais de la fin de mon voyage, j’ai offert en cadeau à « l’Escargot » une bougie neuve, ce qui améliorerait certainement sa performance par rapport à la veille, quand il toussotait un peu dans la chaleur du dimanche après midi…

Au Lavandou, la route longeait la côte et je pouvais voir, sur ma droite, en contrebas, des vagues léthargiques de la Méditerranée qui semblaient lutter pour venir mourir sur la plage. La mer calme était claire comme du cristal et l’air était chaud, (environ 32 degrés).
Les côtes, sur cette partie de la route, n’étaient pas aussi raides que je le pensais et j’ai réussi à les gravir en pédalant jusqu’à leur sommet. J’étais obligé de descendre et de marcher à côté de « Escargot » à la sortie de la Croix-Valmer où la pente était trop raide; il faisait trop chaud et mes jambes étaient trop fatiguées, mais en général nous avons fait d’excellents progrès.
J’ai déjeuné sur la plage de Ste Maxime, en face de la baie de St Tropez où les estivants, accros au soleil, étaient aussi décontractés que des dauphins échoués le long de la plage. Tous bronzés, ils se déplaçaient uniquement pour ajuster leur string et pour s’assurer que chaque millimètre carré « des joues de leurs fesses » reçoivent un maximum de rayons de soleil…

En arrivant à St Aygulf, j’étais aussi desséché que un chien assoiffé et j’ai dû m’arrêter à un glacier, ce qui était devenu pour moi un rituel quotidien : deux boules. Plus je m’approchais de la frontière italienne, plus les glaces étaient bonnes.
Cette partie du littoral est particulièrement belle, mais toutes les villes, toutes les plages et les routes étaient bondées de touristes, ce qui, finalement, gâchait la beauté des paysages.

À Fréjus, j’ai dû prendre différentes routes dans la ville avant de trouver celle qui menait à mon hôtel qui était, finalement, hors de la ville, dans la direction de Cannes.
Distance totale parcourue: 2 893km
Jour 28 – De Fréjus à Menton.
Je suis reparti très tôt le lendemain, car j’espèrais que ce serait le dernier jour de mon voyage. Le soleil était à peine levé lorsque j’ai pris la direction de St Raphaël. La mer ridée, couleur or, s’étendait à l’horizon jusqu’aux calanques de la Corniche de l’Esterel, à l’est. L’air était clair et frais, mais je savais que la journée serait chaude et que la route parcourue avant 11 heures me serait deux fois moins pénible par rapport au reste de la journée, car j’aurais mal aux jambes et je transpirerais beaucoup.
J’ai croisé un sémaphore, en haut de la colline d’Antheor; certains tronçons de la côte étaient difficiles à monter, mais « Escargot » semblait sentir que l’arrivée était proche et il roulait à pleine puissance. Je pédalais également avec toute mon énergie en pensant que le lendemain, je n’aurais plus à pousser sur les pédales et que je pourrais me détendre sur le chemin du retour, à la maison.
J’étais un peu soucieux à juste raison, car je devais passer par Cannes et ma carte indiquait que la route qui longeait la mer, était à deux voies. Finalement, je me suis dit que je n’avais pas à m’inquiéter, étant donné qu’il s’agissait d’une route à deux voies, tout le monde, y compris des dizaines de cyclistes, l’utilisait et j’ai traversé tranquillement la ville.
Les plus grands yachts à moteur que j’avais vu jusqu’à présent, étaient amarrés au large ou dans le port. On entendait un bruit de claquement contre le mât d’aluminium. Toutes les personnes qui se promenaient le long de l’esplanade, portaient des vêtements à la mode avec de ridicules lunettes de soleil de stylistes. Les filles, les plus énergiques, sur des rollers, balançaient leurs bras et leurs seins à l’unisson, et me dépassaient à une vitesse bien supérieure à celle que « Escargot » pouvait atteinte.
Après Juan-les-Pins, j’ai monté la route en direction de Cap d’Antibes. Juste avant le sommet de la colline, j’ai heurté une grosse bosse sur la route – une fois de plus, causée par les racines d’arbres poussant sous le tarmac – la chaîne du Solex a sauté et j’ai dû m’ arrêter.
Je ne sais pas trop exactement ce qui s’est passé, mais je pense que la chaîne a sauté momentanément des pignons, car quand j’ai voulu réparer, tout semblait normal. Heureusement, car je n’aurais pas pu gravir à nouveau, une côte aussi raide ; je n’aurais pas eu suffisamment d’élan et j’aurais été obligé de pousser « Escargot » en haut, juste après l’hôtel du Cap. Finalement « l’Escargot » a réussi a monter tout seul.
Antibes est une vieille ville charmante et animée avec un marché que j’ai dû traverser. La circulation a été bloquée pendant un moment à cause d’un mariage. C’était un joli petit endroit pour s’y reposer un peu – plein de caractère, avec beaucoup de beaux produits frais et locaux sur les étals du marché.-
Les alentours de Nice, en passant par l’aéroport, étaient plutôt laids, même la Promenade des Anglais a perdu beaucoup de son charme par rapport à mes souvenirs lors d’une visite précédente, de nombreuses années auparavant. Cependant, il est vrai que la plupart de ses accès étaient en travaux, probablement à cause d’une attaque terroriste qui avait eu lieu quelques mois plus tôt.
A Nice, tout le monde semblait vouloir faire le maximum d’exercices en courant, en pratiquant de la marche très rapide, du roller, du vélo et semblait en général être de bonne humeur et en bonne santé.
J’ai contourné Port Lympia le long duquel on pouvait voir toujours autant de luxueux yachts à voile ou à moteur. J’ai gravi les longues collines en dehors de la ville, puis je suis descendu jusqu’à Villefranche sur une très belle route longeant la côte. C’est à cet endroit, qu’il y a plus de cinquante ans, j’ai eu ma première expérience avec le monde sous-marin de Jacques Cousteau. J’étais en vacances avec un ami, nous avons acheté des tubas, des masques et des harpons. Nous avons passé de nombreuses heures à tenter vainement d’attraper un poisson, mais c’était formidable d’admirer les poissons dans leur propre environnement et cela a renforcé ma passion pour la mer.

Près d’Eze, j’ai dû passer par quelques tunnels taillés dans la roche. Au début, c’était un peu effrayant, dans la demi-clarté, je n’étais pas trop sûr d’être bien visible pour les automobilistes venant derrière moi.J’étais très prudent, car lorsqu’une voiture s’approchait, cela faisait le même bruit qu’un avion à réaction qui circulerait rapidement devant moi.
Je suis cependant sortir indemne du dernier tunnel et comme j’approchais de Monaco, je savais que mon aventure, le long des côtes françaises, allait se terminer dans la journée. Je me suis même dit que si c’était nécessaire, je pourrais rouler en pédalant ou pousser le Solex pour les dix derniers kilomètres.
Monaco ressemblait à un chantier en plein travaux, mais il est vrai que le Grand Prix de Monaco venait juste d’avoir lieu et que de nombreux panneaux publicitaires et barrières de sécurité étaient encore en place.
À Monté Carlo, les routes étaient assez raides et j’étais obligé de marcher à côté de l’Escargot Nous sommes passés devant le Monté Carlo Country Club. Cela m’a donné l’occasion de regarder par dessus le mur d’un terrain de tennis sur lequel une jeune fille avait un cours privé. Des grandes tables avec de somptueux buffets, étaient dressées sous des grands parasols.
Ma dernière étape en direction de Menton passait par Cap-Martin. Je suis entrée dans la ville en longeant une large plage au sable blanc. La frontière italienne est à l’autre bout de la ville et j’ai roulé vers ce qui devait être l’ancien point de contrôle des douanes, avant la suppression des frontières en Europe.
J’étais un peu surpris de voir que la police française contrôlait les véhicules en insistant particulièrement sur les camionnettes et les camping-cars. De toute évidence, c’était dans le but de bloquer l’entrée illégale en Italie, d’immigrants dont la plupart venaient d’Afrique du Nord; ceux-ci devaient ensuite rebrousser chemin vers le nord.
L’armée italienne a également effectué des contrôles, mais beaucoup moins appronfondis – je ne sais pas pour quelles raisons. Ils portaient des tenues de camouflage et de curieux chapeaux avec de grandes plumes – un peu comme Robin des Bois – ou le groupe des Nancy-boys ( hommes efféminés)
J’ai demandé à un officier de police française de bien vouloir m’accompagner jusqu’à la pancarte de la frontière italienne afin de me prendre en photo. Il a été très aimable et s’est intéressé à mon voyage.

Des amis de longue date, Daniel et son épouse Christiane, sont venus me rejoindre à la fin de mon voyage et ont eu la gentillesse d’apporter du champagne, nous n’avons pas perdu de temps pour l’ouvrir et le boire.
Plus tard, un journaliste de « Nice Matin », le journal local, m’a interviewé et m’a pris en photo devant le Musée Jean Cocteau.
J’étais épuisé, mais heureux d’avoir accompli ce que j’avais prévu de faire. « Escargot » a bien roulé sur l’ensemble du parcours et j’avais été capable de régler les petits problèmes techniques. Le nouvel embrayage que j’avais installé, a tenu toute la durée du trajet et j’ai pensé qu’il ne devait pas y avoir beaucoup de solex qui avaient parcouru cette distance en seulement vingt-huit jours.
Distance totale parcourue: 3 001km
Je tiens à remercier les personnes suivantes pour leur aide à la logistique, l’assistance technique et pour avoir fourni des photos supplémentaires :
Kate Laker, Paul Waite, Gérard Saffers, Yannick Malherbe, Lionel Chéron, Caroline Prévost, Christian Famery, Cédric Chambrelan, Gildas Salm, Valentin Giron, Jean et Christine Perrot et les membres de Club des Vélosolex de St Grégoire de Vièvre, en Normandie.
J’aimerais également remercier Martine Malherbe et mon épouse pour le laborieux travail de traduction en Français.
Les Côtes Nord et Ouest
This site is available in English at http://www.dougellisblog.wordpress.com
Je m’appelle Doug Ellis, je suis Anglais et j’ai 73 ans. Je m’apprête à parcourir les côtes de France en vélosolex, de la frontière belge dans le nord, de Dunkerque jusqu’au sud de la frontière italienne à Menton.
J’estime la distance à parcourir à environ 3000 kilomètres et je pense y parvenir en un mois.
Pour ceux d’entre vous qui ne le savent pas, le vélosolex est fondamentalement un vélo avec un petit moteur 49cm3 qui entraîne un galet dont le frottement sur le pneu avant, fait avancer le solex. Le vélosolex a d’abord été produit en France juste après la seconde guerre mondiale et ce jusqu’en 1988.
Je vais faire le voyage en deux étapes; la première étape couvrant la côte nord jusqu’à Brest, en Bretagne, ensuite, je prendrai une courte pause. La deuxième étape constituera à descendre la côte ouest le long de l’océan atlantique pour enfin terminer par la côte méditerranéenne.
Préparation
La planification et la préparation de mon voyage m’ont pris une grande partie de l’année. J’ai fait de nombreux trajets locaux sur le solex pour voir quelle distance à parcourir tous les jours, me paraissait raisonnable. J’ai démonté le moteur pour comprendre son fonctionnement et j’ai passé de nombreuses heures sur internet à rechercher des endroits insolites et intéressants à visiter au cours de mon périple.
La vitesse moyenne sur la plupart de mes parcours est entre 22 et 23 km/h. La vitesse de descente est environ 35 km/h. mais, la moyenne baisse dans les côtes en particulier dans les collines escarpées parce qu’il est nécessaire de descendre et de marcher à côté du vélo. Dans ces cas là, heureusement, le moteur continue de fonctionner et je dois marcher en dirigeant le Solex, (pas besoin de pousser dans les côtes).
Pour calculer le temps nécessaire pour réaliser ce voyage, je me suis basé sur une vitesse moyenne de seulement 20 km/h.en roulant sur le solex; j’ai pensé qu’une distance de 100 km par jour ne serait pas déraisonnable, (soit environ 5 heures sur le solex chaque jour). Seul le temps dira si ce timing est réalisable.
Je tiens à remercier les personnes suivantes pour leur aide à la logistique, à l’assistance technique et pour avoir fourni des photos supplémentaires:
Gérard Saffers, Yannick Malherbe, Lionel Chéron, Christian Famery, Caroline Prévost, Cédric Chambrelan, Valentin Giron, Gildas Salm, Jean & Christine Perrot et les membres “des Mordus du Galet” à St Grégoire de Vièvre en Normandie.
Je tiens également à remercier mon épouse et Martine Malherbe pour le laborieux travail de traduction du texte en Français.
Le Voyage
Jour 1 -De Dunkerque à Boulogne. (62 km)
J’ai retardé mon départ en raison de mauvaises conditions météorologiques jusqu’à ce que j’ai estimé que je ne pouvais pas attendre plus longtemps si je voulais réaliser ce projet cette année. Quand j’ai pris la direction de Dunkerque dans la voiture d’un ami avec le solex dans son coffre, le ciel était sombre et la pluie tapait sinistrement sur le pare-brise.
Après trois heures de route en voiture, plus nous approchions de la frontiére belge, plus les nuages devenaient menaçants.
Après une pause pour photographier le panneau de la ville de Dunkerque, il était temps de remettre la roue au solex (j’avais dû la retirer pour rentrer le solex dans la voiture), mettre mon imperméable et enfin prendre la route.

C’était la première fois que je montais sur le solex chargé avec mon propre poids, tout mon équipement et pièces de rechange. J’attendais de ce minuscule moteur de 49cm3. de transporter environ 117 kg tout le long des côtes de France.
Je dois admettre que la plupart des 117 kg étaient composés de mon poids, mais j’avais fait abstraction de quelques plombages dentaires et de deux genoux en titane, ce qui explique sans doute cet excès de poids…
Toutefois, il était clair, dès le départ, que le solex devait normalement gérer tout seul l’ascension des côtes.( En réalité, il aurait besoin d’être assisté avec la pédale.).
Dans un rayon de quelques kilomètres de Dunkerque, le vent semblait augmenter au point que les prévisions maritimes exprimaient des doutes quant à la sécurité des bateaux en pleine mer et, en plus, j’avais le vent de face. J’étais maintenant obligé d’aider le solex en pédalant, même sur les plats qui étaient de plus en plus rares. C’est à cet endroit que j’ai décidé de baptiser le solex et de le nommer « L’Escargot »…
A l’approche de Calais, je suis passé par la « Jungle », le camp de fortune qui est maintenant la maison de quelques milliers d’immigrants qui sont tous venus à Calais dans l’espoir de pouvoir traverser la Manche et d’atteindre l’Angleterre. Je voulais seulement regarder le campement mais, la pluie, la boue et la présence de dizaines de fonctionnaires de police tous armés, m’ont encouragé à partir pour continuer ma route vers la ville.
Calais ne m’a pas semblé très attrayante. C’est principalement dû au fait qu’elle a été gravement endommagée durant la guerre et beaucoup de maisons ont été reconstruites dans des styles d’architecture très différents ce qui donne à la ville cet aspect trés disparate et peu esthétique.
J’étais curieux de voir si je pouvais trouver une preuve que Lady Hamilton, (la maîtresse du Lord Nelson), avait vécu et était décédée dans la ville. Lady Hamilton est en fait née Amy Lyon, en 1765. C’était la fille d’un humble forgeron. Elle est devenue une belle adolescente qui voulait apparemment, prendre “du bon temps”…
A l’âge de 15 ans, elle était sous la garde de Sir Harry Featherstonhaugh qui était l’âme dirigeante des nombreuses fêtes. Il organisait régulièrement des enterrements de vie de garçons avant leur mariage. C’est à l’occasion d’une de ces fêtes qu’elle aurait dansé, nue sur la table de la salle à manger pour le plaisir des clients…
Après avoir conçu un enfant avec Featherstonhaugh, elle s’est lassé de lui et est devenue la maîtresse de l’honorable Charles Greville, fils du comte de Warwick. Amy est entrée très jeune dans la haute société.
Pour une raison inconnue, Greville l’a persuadée de changer de nom pour s’appeler“Emma”. Puis, avec le temps, Greville s’est éloigné d’Emma et regardait d’autres femmes dans l’espoir de trouver sa future épouse. Il quitta donc Emma et l’envoya à Naples sous prétexte d’y passer des vacances chez le seigneur Hamilton, diplomate britanique et oncle de Greville. En fait, Greville l’envoyait chez Hamilton pour qu’elle devienne sa maîtresse…
Comme vous pouvez l’imaginer, Emma fut très en colère lorsqu’elle apprit la véritable raison de son départ mais, elle s’est vite habituée à la vie de luxe et finalement elle s’est mariée avec Lord Hamilton, (Hamilton était âgé de 60 ans alors qu’Emma n’avait que 26 ans…).
La première fois qu’Emma a rencontré Nelson, c’était lors de la visite de celui-ci à Naples pour rallier la lutte incessante contre les Français. Ils furent aussitôt attirés l’un vers l’autre…
Lord Hamilton semblait encourager Emma à fréquenter Nelson. Tous les trois vivaient et voyageaient ensemble. Quand Hamilton quitta Naples, ils retournèrent tous les trois à Londres où ils emménagèrent ensemble dans une grande maison…
En 1801, Emma a donné naissance à sa fille, Nelson Horatia. Le trio a acheté une maison spacieuse dans le sud-ouest de Londres. Comme Nelson, à l’époque, était un héros national, tous ses déplacements étaient signalés dans les journaux nationaux. Emma adorait son style de vie et l’intérêt qu’on lui portait.
Lord Hamilton est décédé en 1803. Nelson est alors retourné en mer. Emma a conservé la maison comme un sanctuaire pour son bien-aimé Horatio. Le 21 octobre 1805, Nelson a été mortellement blessé à la bataille de Trafalgar. Emma était desespérée, refusant même de parler pendant un certain temps.
Elle est tombée dans l’abus d’alcool et des jeux. Elle dilapida de grosses sommes dans les jeux de hasard et dépensa tout l’argent que Nelson lui avait laissé. Elle a finalement dû vendre la maison pour rembourser ses dettes. Ne pouvant pas rendre tout l’argent qu’elle devait, elle a passé quelques temps à la prison de Southwark. A sa libération, ses amis ont pensé qu’elle était quelque peu embarrassante et qu’il serait préférable qu’elle quitte l’Angleterre. Ils se sont réunis et l’ont envoyée à Calais où elle vécut le reste de sa vie dans une petite maison, rue Française, avec sa fille et son addiction à l’alcool. Elle est décédée à 49 ans en janvier 1815.
J’ai trouvé la rue Française, dans une partie de la ville qui avait dû beaucoup souffrir pendant la guerre. Des blocs d’appartements bordaient la route et, c’est là que j’ai vu, à peine visible, contre un mur de briques, une plaque qui commémorait la mort de Lady Emma Hamilton. J’ai demandé à plusieurs passants s’ ils savaient qui était Lady Hamilton mais, aucun n’en avait la moindre d’idée.

Plus près du centre de Calais, je me suis promené dans le Parc Richelieu, une oasis de verdure dans laquelle se trouve, près d’un bassin entouré d’arbres, un mémorial à la mémoire d’Emma, érigé en 1994. La plaque a été financée par une philanthrope américaine. J’ai pensé qu’Emma aurait approuvé.

Je n’ai pas pris la peine de demander à tous les jeunes adeptes de la planche à roulettes dans le parc s’ils savaient qui elle était, et je ne leur ai pas dit qu’ils portaient tous leur casquette de baseball de l’arrière vers l’avant, (c’est à dire à l’envers).
Le long du port de Calais où les ferries font les aller et retour vers l’Angleterre en traversant la Manche, j’ai progressivement monté, à mon rythme, la campagne vallonnée autour du Cap Gris Nez. Du haut des falaises, j’ai pu admirer la côte rocheuse avec les mouettes qui volaient au-dessous de moi. C’est le point le plus rapproché de l’Angleterre, (21 miles soit environ 39 km – (1 mile =1,852 km) – et c’est de cet endroit que les nageurs du Cross-Channel partent pour traverser la Manche.

La mer grise et agitée semblait froide et peu accueillante. Je n’ai pas pu m’empêcher de penser à la première personne qui a traversé la Manche en 1875. C’était le capitaine Matthew Webb, qui partit de Douvres en Août, après s’être enduit de graisse de marsouin afin de se protéger du froid,- (Où a-t-il pu se procurer de la graisse de marsouin à Douvres? Est-ce-que le supermarché local avait une offre spéciale? Où est-ce-qu’il y avait un commerçant spécialisé pour les participants du Cross-Chanel ?)- Peu après son départ, il a été violemment piqué par des méduses, mais Webb a pris une goutte de cognac et a continué.- Je suspecte Webb d’avoir été un homme très courageux.-
La partie la plus difficile de sa traversée fut sûrement le moment où il a enfin vu les côtes françaises mais, de forts courants l’ont empêché de progresser pendant cinq heures. Finalement, après une durée de 21 heures et 45 minutes, il a atteint la côte presque là où je me tenais debout. Par contre, David Walliams, (un comédien anglais) a fait la traversée en 10 heures et 34 minutes en 2006. J’imagine que la différence de temps est due à une meilleure connaissance des marées et des courants; connaissance que Webb n’avait pas à l’époque.
Webb est devenu un héros national et au cours des années suivant son exploit, il donnait des conférences avec des démonstrations de différentes techniques de natation. Un jour, il a flotté dans un réservoir rempli d’eau pendant 128 heures; cet exploit lui a rapporté la somme de 1000 £ – une grosse somme à l’époque – Imaginez à quoi sa peau devait ressembler après une telle immersion –si moi, je reste dans le bain plus d’une demi-heure, je ressemble à une prune rose…-
Malheureusement, le Capitaine Webb a tenté un exploit de trop, le 24 juillet 1883, lorsqu’ il a tenté de nager à travers les rapides de la riviére Niagara au- dessous des chutes du même nom. Il a rencontré d’énormes difficultés à cause de tourbillons et de forts courants; les bras en l’air, il disparut dans un tourbillon. Il est réapparu très brièvement avant d’être aspiré à nouveau. Son corps a été retrouvé en aval de la rivière, environ quatre jours plus tard.
Après le Cap Gris Nez, j’ai continué ma route et je me suis retrouvé pour la première fois au pied d’une côte et j’ai dû marcher à côté de «L’escargot». Une succession de collines rendait ma progression lente et pénible. Mes jambes n’en pouvaient plus de marcher et je ne pouvais pas pédaler plus de 10 minutes. Heureusement, le moteur tournait toujours, il était assez puissant pour monter seul les côtes avec son chargement et je devais juste marcher à côté en le dirigeant.
À un moment donné, dans une descente, j’ai été dépassé par une couleur jaune vif: un vélo en forme de fusée rocket, un de ces modèles sur lequel le coureur est plus ou moins allongé. Il m’a dépassé comme un éclair et le temps de gravir la côte, il était déjà hors de vue.
Au cours de l’après-midi, mes jambes semblaient aller mieux et j’ai été plus performant que le matin pour aller à l’assaut des côtes. Comme j’approchais de Boulogne, le vent s’est mis à souffler de dos et je progressais beaucoup plus facilement.
Boulogne est une ville agréable, propre avec une très belle plage et beaucoup des surfeurs attachés à des cerfs-volants, qui sautaient sur les vagues et parfois au-dessus quand le vent les soulevait.
“L’Escargot” avait exceptionnellement bien roulé toute la journée et j’étais très heureux de cette première partie de mon voyage, avec beaucoup de vent, un peu moins de pluie, mais c’était peut-être un avant-goût de ce qui m’attendrait par la suite. Le vent sera sans doute mon plus grand ennemi au cours des prochains jours, Mais, un moment donné, je l’aurai sûrement dans le dos et je devrai alors utiliser le frein pour contrôler ma vitesse – on peut toujours rêver!-…
Jour 2 -De Boulogne à Eu. (111km).
La journée a commencé avec une marche à pied jusqu’à la colline qui donne sur Boulogne et sur la route le long de la côte vers le Touquet. Le vent soufflait fortement de face encore une fois. Il y avait toutefois quelques voies cyclables sur ce tronçon de route Je ne pense pas qu’un véhicule motorisé comme un solex soit censé les emprunter mais, comme il n’y avait pas beaucoup de cyclistes, je me suis dit que j’y serais plus en sécurité que sur la route.
Je n’avais pas besoin de constamment regarder dans le rétro, ni de rester le plus près possible du bord de la route, pas besoin non plus de m’inquiéter à propos d’un soudain appel d’air lorsqu’un gigantesque camion me dépasserait et en plus, il était inutile de maintenir une ligne droite pour ne pas être écrasé par une voiture.
Je roulais bientôt au travers de magnifiques paysages de verdure, des zones boisées où les villages étaient tous plutôt attirants.
Je suis allé dans le petit village de Condette où je me suis mis à la recherche du ‘Chalet de Dickens’. Il y avait une rue du nom du grand écrivain anglais qui menait à une maison privée, entourée d’un haut mur, avec un portail aux lourdes grilles. Sur le côté du portail, se trouvait un buste de Dickens avec une inscription disant qu’il avait séjourné dans cette maison de 1860 à 1864.
Derrière cette simple inscription se cachait une histoire intrigante. Dans le milieu des années 1800, Dickens était la personne la plus vénérée de Grande-Bretagne et peut-être même du monde entier. Il était l’équivalent des pop stars d’aujourd’hui et était universellement connu. Mais Dickens avait un grand secret…
Dickens était marié depuis vingt-deux ans à Catherine qui lui a donné dix enfants au cours des quinze dernières années. Ce n’était pas un mariage très heureux. Dickens estimait que sa femme n’était pas son égale intellectuellement parlant et il finit par la mépriser. Elle n’était pas d’une grande beauté, était de forte corpulence et ne pouvait vraiment pas tenir une conversation aussi interéssante que Dickens l’aurait souhaité.
Vers 1854, il rencontra “Ellen Nelly Ternan”, une actrice de 18 ans que Dickens invita à jouer dans plusieurs de ses pièces. Il est tombé amoureux d’elle. Leur relation a commencé alors qu’il avait vingt-sept ans de plus que Nelly…
À l’époque victorienne, il était très mal vu d’avoir une maîtresse – surtout pour quelqu’un d’aussi célèbre et estimé que Charles Dickens – Leur liaison devait donc être gardée secréte et inconnue de son public.
Dickens a procuré une maison à Nelly et l’entretenait financièrement mais, elle devait accepter de vivre dans l’ombre si elle voulait rester sa maîtresse.
Dickens venait régulièrement en voyage à Boulogne et allait de plus en plus souvent rejoindre Nelly à Condette, sans que ni la presse ni ses amis ne soient au courant.
Lors de ses séjours en France, les dernières années, il y eut beaucoup de spéculations comme quoi Dickens venait voir sa maîtresse pour qu’elle donne naissance à un enfant. Il n’était pas rare que les personnes aisées viennent en France pour concevoir un enfant en dehors du mariage.
L’opinion générale était que l’enfant était décédé très jeune mais, cela n’a jamais été prouvé. Quelle que soit la vérité, il est certain que le « Chalet Dickens » à Condette était un nid d’amour pour l’un des plus grands écrivains de tous les temps.
Ayant vécu en France pendant plus de dix ans, je me suis aperçu qu’il était assez courant pour de nombreux hommes mariés d’avoir « une maîtresse » et que c’était souvent accepté par leur épouse, (malheureusement, cela ne risque pas de m’arriver…).Après avoir su comment d’abord Nelson puis Dickens avaient vécu, je me suis dit que finalement, c’étaient peut-être les Anglais qui avaient lancé cette liberté des moeurs.
Juste avant Le Touquet, un cycliste m’a suivi pour profiter de mon “slipstream” et est resté derriére en roulant à la même vitesse que moi pendant environ 2 kilomètres. Il a ensuite accéléré, m’a doublé en me criant que les véhicules motorisés n’étaient pas autorisés sur les pistes cyclables – le malin -.
J’ai roulé à “pleins gaz” pour le rattraper, je l’ai dépassé en l’envoyant dans un fossé boueux et plein d’orties, qui longeait la piste, et je l’ai salué en levant “un bras dans une certaine position…” En réalité, c’est ce que j’aurais voulu faire mais, je l’ai ignoré et j’ai continué mon chemin en me disant que beaucoup de Français ne respectaient pas le code de la route, donc je ne voyais pas pourquoi je devrais le respecter…
J’ai continué vers la Baie de la Somme et Le Crotoy où j’espérais avoir ‘moules frites’ pour mon déjeuner. La mer, vue de la baie de Somme, est impressionnante; ce qui fait du Crotoy un site touristique trés fréquenté. Ses fruits de mer sont également renommés. Cela doit être la raison pour laquelle je n’ai pas trouvé de restaurant avec une table libre à l’extérieur. Je suis donc allé à la périphérie de la ville où j’ai découvert une petite place tranquille, à côté d’un port; j’ai commencé a dévoré mes quatre oeufs durs et une tomate que j’avais oubliés dans mon panier.
J’en étais à mon deuxième oeuf lorsqu’un groupe de 60 à 70 jeunes élèves est arrivé. Ils se sont tous assis autour de moi, ont enlevé leurs chaussures et leurs chaussettes… avant de dévorer leurs sandwichs. Maintenant, je n’ai rien contre les jeunes enfants, (enfin, pas trop!…) mais, j’aurais bien aimé qu’ils ne parlent pas tous en même temps avec leur voix aussi aigüe.
J’ai essayé de les supporter mais, finalement, c’était trop difficile; j’ai donc enfilé ma tenue et mon casque, (cela me prend environ 10 minutes), et j’ai repris ma route.

J’ai roulé vers la baie de St Valéry sur Somme qui est à peu près en face du Crotoy. La vue y est également impressionnante et j’ai trouvé la ville à mon goût. Les rues pavées étaient très jolies mais, donnait du mal à mon pauvre vieil « l’Escargot » qui me secouait comme un vieux prunier. J’ai donc dû avancer lentement. Ce n’était pas un problème car j’ai pu admirer les fleurs dans la ville, le bord de mer et la locomotive à vapeur qui emmenait les touristes voir les attractions autour de la baie.
« L’Escargot » avait très bien fonctionné encore ce jour-là mais, j’ai eu un peu peur quand autour de la Baie de Somme, il s’est mis à toussoter et à pétarader puis soudain s’immobiliser. Cela arrivait de manquer d’essence à cause de la charge plus lourde que d’habitude et des vents de face; il consommait plus et j’avais oublié de remplir le réservoir. Ayant encore de l’essence dans mon bidon, j’ai pu poursuivre ma route sans problème.
Je progressais plus rapidement car la route était beaucoup plus plate qu’auparavant ; je suis donc arrivé au village d’Ault où je me suis assis pendant un certain temps au soleil et j’ai contemplé les longues plages de sable à l’Est et les hautes falaises de craie du Tréport à l’Ouest.

Il y avait une colline en descendant vers Eu, mon lieu de halte pour la nuit, et j’ai soigneusement contrôlé la vitesse de ma descente car avec un vélosolex, il est préférable de freiner pour ralentir à une vitesse qui permet d’avoir une réserve d’accélération afin de s’assurer qu’il y ait toujours un approvisionnement en carburant. – ok, je reconnais que c’est un peu technique-…
Ne riez pas mais, à “73 ans”, j’ai passé la nuit à l’auberge » de jeunesse » à Eu qui faisait partie d’un ancien château. Toutes les chambres ont des belles voûtes en briques rouges et les murs mesurent plusieurs pieds d’épaisseur (un pied correspond à environ 30 cm) – pas tellement bon pour la réception de Wi-Fi mais, pleine de caractère –
Eu est une charmante ville traversée d’une belle rivière et avec une agréable place pavée.
Distance totale parcourue pendant ces 2 jours : 173km
Jour 3 – D’Eu au Havre. (153km).
Une fois de plus, la journée a commencé par une marche à pied en dirigeant le solex dans la côte avant de sortir du Tréport. Au sommet de la côte s’élevaient de majestueuses falaises blanches. J’ai emprunté un funiculaire qui date de 1908 mais, il a été récemment rénové et il permet d’accéder facilement à la plage.
Le vent n’avait pas baissé d’intensité depuis hier et je l’avais encore de face. J’ai pris une petite route qui descendait vers la plage de Mesnil-Val où, selon ma carte, je serais en mesure de continuer en longeant la plage. En réalité, la route n’existait pas… et j’ai donc dû marcher avec le solex dans une côte très raide sur la route principale de Floques.
Comme j’approchais de Dieppe, un grand nombre de camions roulant à grande vitesse, me doublaient. Je me trouvais certainement sur la route de la gare maritime, je me suis donc dirigé vers des petites routes secondaires avec moins de circulation.
Je suis enfin arrivé à Dieppe pour me retrouver pour la premiére fois en plein milieu de la circulation urbaine. Le solex, je dois l’admettre, est idéal pour circuler en ville et c’était un vrai plaisir de dépasser des files de voitures qui attendaient aux feux.
Dans le centre-ville de Dieppe, plusieurs voitures me klaxonnaient, mais lorsque j’ai essayé de voir quel était le problème, j’ai vu les passagers lever leur pouce en signe d’approbation et d’encouragement.
Il a plu à Dieppe mais, rien de bien méchant .Aprés un ennuyeux détour à cause d’une route barrée, j’étais enfin revenu sur la côte – Un détour n’est pas un gros problème quand on circule en voiture mais, sur le solex, cela rallonge la route et le temps. Le voyage est déjà bien assez long-
J’ai fait un court détour à l’intérieur de la ville pour visiter un endroit que j’avais envie de voir depuis longtemps. Le long de la côte existent des sites de lancement de fusées qui étaient en pleine activité durant la seconde guerre mondiale. Je voulais visiter celui situé dans le petit village d’Ardouval, au sud de Dieppe. Les Allemands y lançaient les fusées V1 qui traversaient la Manche afin de bombarder Londres.
Le département de La Seine Maritime, comptait à lui seul 117 de ces sites. Beaucoup d’entre eux étaient plus loin, le long de la côte, en direction de Calais. La majorité a maintenant disparu. Ils ont été rasés ou certains sont utilisés par les agriculteurs pour stocker des tracteurs et l’alimentation des animaux. Cependant celui, près d’Ardouval, est l’un des rares sites préservés qui permet de comprendre la stratégie des Allemands.
Ce site est caché dans la forêt d’Eawy où les arbres les mettaient hors de vue des avions alliés. Lorsque j’y suis allé, j’étais le seul visiteur. Le lieu n’est pas occupé et on peut s’y promener librement.
La plupart des bâtiments en béton sont encore en assez bon état; bien que quelques-uns se soient écroulés avec le temps ou à la suite des bombardements alliés quand ceux-ci les ont découverts.
Autour des bâtiments délabrés, règnait un silence étrange, tout était calme, pas de bruissement de feuilles dans les arbres, même pas un chant d’oiseau et j’imaginais l’endroit, à l’époque où un nombre incalculable de troupes allemandes s’affairaient autour des rampes de lancement des fusées de façon qu’elles atteignent le centre de Londres.
La fusée V1 était lancée à partir d’une rampe inclinée précisément positionnée de manière qu’elle soit dirigée exactement vers Londres, soit à peu près à une distance de 200 kilomètres. Le site de lancement d’Ardouval possède une réplique de la fusée installée sur une rampe. Une fois lancée, il était impossible de modifier ou de contrôler sa direction, elle était juste propulsée le long d’une trajectoire bien définie jusqu’à ce qu’elle manque de carburant ou qu’un distributeur spécial ne coupe l’alimentation en carburant; ainsi le V1 plongeait vers la terre et explosait à l’impact. Le système était très simple mais, pas si précis et heureusement la majorité des fusées a raté la cible.

Grâce à un actif groupe local de la Résistance Française, les emplacements de la plupart des sites de lancement ont été découverts et bombardés par les alliés
Comme je l’ai précisé, le site d’Ardouval était à l’origine caché parmi une forêt de hêtres, mais, la plupart d’entre eux ont été réduits en miettes par les bombardements. Après la guerre, ils ont été remplacés par une forêt de pins plantés grâce à l’aide financière des dommages de guerre. J’ai pu voir de nombreux cratères de bombes parmi les arbres.
Le trajet vers St Valéry en Caux a été agréable. J’ai traversé plusieurs villages dans lesquels des pêcheurs vendaient, sur la plage, le résultat de leur journée de pêche: des poissons, des huîtres et d’autres mollusques et crustacés.
Le joli village de Veules les Roses est traversé par la plus courte rivière de France soit 1200 mètres d’eau limpide, couverte de cresson. La plupart des petits chalets ont effectivement une multitude de roses dans leur jardin. Après avoir gravi une grande côte à la sortie du village, je me suis arrêté au bord de la route pour me reposer à côté d’un champ où paissaient des vaches. En quelques minutes, j’étais couvert de mouches et j’ai dû me déplacer car manifestement, pour les mouches, un” solex rider” en pleine transpiration, est beaucoup plus attirant qu’un troupeau de vaches…
Après St Valéry, je suis passé devant la centrale nucléaire qui se dressait, menaçante… C’était la troisième centrale nucléaire que je voyais et j’étais heureux d’arriver à Veulettes où, il y a quelques années, avec des amis, j’ai mangé de nombreuses moules frites au restaurant sur le bord de mer, avec notre chien Ellie et nos amis avec leur chien. Hélas, ce jour-là, le temps était différent car le ciel était chargé de nuages et il faisait froid. – Ah oui ! j’ai oublié de préciser que le vent soufflait à nouveau de face.-
La route traversait une zone très arborée aux abords de St Pierre en Port avec une succession de petits virages et de côtes douces que j’ai réussi à monter en pédalant. Vers Fécamp, il s’est remis à pleuvoir, parfois très fort et cela a duré pratiquement toute la journée.
Perché sur les falaises, au-dessus d’Etretat, j’ai pu admirer les célèbres arches et les falaises immortalisées par les peintures de Claude Monet.

Sur l’une des falaises, s’élève un monument en l’honneur de deux aviateurs français.
En 1919, Orteig, un riche Américain, offrait un prix de 25 000 $ au premier aviateur qui volerait sans escale, de New York à Paris, ou vice versa, et ce dans un délai de cinq ans. A cette époque, l’aviation en était à ses tous débuts et personne n’a voulu relever le défi. Orteig, renouvela donc son offre en 1924.
En 1927, deux français, Charles Nungesser et Francois Coli, étaient prêts à tenter l’aventure avec un biplan à un seul moteur. L’avion était prévu pour deux pilotes et était composé essentiellement de contreplaqué et de tissu. Ses ailes avaient une envergure de 15 mètres.
Il était peint en blanc afin d’être facilement identifiable, c’est pourquoi il a été surnommé ‘L’Oiseau Blanc’.
Pour diminuer le poids, l’intrépide duo n’a emporté aucune radio et trés peu de provisions: quelques boîtes de poisson en conserve, des bananes et du rhum. Ils ont décollé avec près de 4000 litres de carburant dans des réservoirs en aluminium, Cette réserve devait leur assurer environ quarante-deux heures de vol.

Ils ont décollé de l’aéroport du Bourget, à Paris, le 8 mai 1927 et ont été escortés jusqu’à la côte française par quatre avions militaires. Le monument est situé sur les falaises d’Etretat exactement à l’endroit d’où ‘l’Oiseau Blanc’ s’est envolé en direction de l’Irlande.
Plus tard, le même jour, le commandant d’un sous-marin britannique a noté dans son journal de bord, le passage de l’avion à quelque distance au sud-ouest de l’île de Wight.
Le prêtre du petit village de Carrigaholt, en Irlande, a aperçu l’avion et ce fut la dernière apparition officielle de l’Oiseau Blanc.
Comme le temps passait et qu’ils n’étaient toujours pas arrivés à New York, on supposa qu’ils avaient dû manquer de carburant et que l’avion s’était écrasé…
Des recherches intensives ont été abandonnées au bout de neuf jours; aucune trace de l’avion n’ayant été repérée.
Au début, on pensait que le mauvais temps dans la région de l’Atlantique, était à l’origine du crash de l’avion mais, plus d’une douzaine d’habitants deTerre-Neuve et du Maine ont prétendu avoir entendu un avion passé au dessus d’eux – certains ont même confirmé qu’il s’agissait d’un avion blanc décrivant des cercles dans le brouillard…-
Seulement douze jours après la tragédie de l’Oiseau Blanc, Charles Lindbergh décolla avec son avion »l’Esprit de Saint Louis” mais, dans la direction inverse, c’est à dire de New York à Paris. Son vol s’est déroulé avec succès en trente-trois heures et demie et il réclama le prix de 25 000 dollars
L’histoire se serait terminée là, sans l’intervention de Bernard Decré, l’initiateur du Tour de France à la voile, qui était un navigateur de yacht expérimenté. Il voulait honorer le nom des deux aviateurs français disparus quatre-vingts ans plus tôt.
Decré a organisé des recherches pendant plusieurs années, autour de la minuscule île française de Saint Pierre et Miquelon à environ dix miles (18 km) de la côte de Terre-Neuve.
Il pensait que l’épave de‘l’Oiseau Blanc’ aurait pu être retrouvée aux Etat-Unis et que les autorités françaises n’auraient rien dit afin de ne pas nuire à la victoire de Lindbergh. Il estime qu’avec un niveau de carburant faible, les deux pilotes auraient pu tenter de se poser dans le brouillard, en plein mer, dans les environs de Saint Pierre. L’avion se serait brisé en deux à l’impact entraînant la mort des deux pilotes…
Decré a découvert un télégramme des garde-côtes américains déclarant qu’en août 1927, ils avaient trouvé l’épave d’un petit avion blanc qui flottait à 200 miles (370 km) au large de la côte.
En 2008, Decré a utilisé des magnétomètres sonars pour localiser l’avion – seul le moteur de l’avion pouvait avoir résisté à la corrosion de l’eau après toutes ces années- La présence de nombreuses épaves dans la zone, rendait la tâche difficile.
À ce jour, rien n’interdit de penser que « L’Oiseau Blanc » n’ait atteint le continent américain et Decré est déterminé à poursuivre ses recherches.
Quand j’ai quitté Etretat, il pleuvait à nouveau et j’ai été heureux d’apprendre que j’étais seulement à environ 30 km du Havre; je devais maintenant me concentrer pour arriver à destination.
Comme je m’approchais de l’aéroport du Havre, la circulation devenait plus dense et je me suis enfin dirigé vers Ste Adresse. J’ai été soulagé que la journée se termine, principalement à cause de la pluie mais, néanmoins, j’étais heureux d’avoir parcouru 153 km, ma plus longue distance à ce jour.
Distance totale parcourue pendant ces 3 jours: 326 km
Jour 4 – Du Havre à Grandcamp Maisy. (114 km).
En face du Havre, de l’autre côté de la Seine, se situe Honfleur, une belle ville autour du bassin du vieux port qui offre sa protection aux bateaux depuis quatre cents ans.
”Les bijoux de la couronne”… sont les maisons qui entourent les quais .Elles sont considérées comme les premiers ‘skyscrapers’ (gratte-ciel, immeubles). Elles datent du dix-septième siècle et ont parfois un balcon jusqu’au huitième étage. Le rez-de-chaussée de la plupart d’entre elles est un restaurant et j’ai apprécié le café du matin, au bord de l’eau, avant de partir pour le Boulevard Charles V.
Là, j’ai visité un musée intéressant dédié à Erik Satie, un compositeur, écrivain et pianiste mais, surtout un artiste très excentrique. Satie est né à Honfleur où il a passé ses premières années et s’est ensuite installé à Paris pour devenir pianiste de cabaret. A une époque, il s’habillait toujours en noir, avec un parapluie au bras et portait un chapeau melon – un peu comme Charlie Chaplin – Plus tard, on le voyait toujours en costume de velours gris. Il avait une douzaine de costumes identiques qu’il jetait quand ils étaient complétement usés.
Il fut un temps où il mangeait uniquement de la nourriture blanche: des oeufs, de la noix de coco, du poisson au vin blanc, du veau, des navets, du riz et des pâtes). Il disait que cela l’aidait à composer sa musique …
Il mourut en 1925, d’une cirrhose du foie provoquée par une forte consommation d’alcool. En 27 ans, personne n’était entré dans son appartement où il vivait comme un reclus. – Lorsque ses amis sont allés chez lui après sa mort, ils ont découvert un appartement sordide dans un désordre indescriptible. Les draps du lit n’avaient manifestement pas été changés depuis des années. Il y avait deux grands pianos l’un au-dessus de l’autre; l’un d’eux servait à stocker des fichiers et des lettres – qu’il s’écrivait à lui même -…
Il y avait plus d’une centaine de parapluies dans la chambre, quatre-vingt-quatre mouchoirs et une armoire vide; on pense que Satie s’y enfermait pour méditer. Dans le musée, l’excentricité de Satie est représentée par une série de chambres décorées telles qu’il l’aurait souhaité. L’une est entièrement peinte en noir, – le plancher, les murs et les plafonds-. Dans un coin du plafond, est suspendue une énorme poire dorée avec des ailes articulées.- Maintenant, si tout cela n’est pas de l’excentricité, je ne sais pas ce que c’est…-
Honfleur est principalement sur l’estuaire de la Seine. Quelques kilomètres plus loin, j’ai pris la direction de la mer, vers Trouville
Après avoir traversé le pont au-dessus d’un petit fleuve côtier, La Touques, je suis arrivé à Deauville Je dois avouer que ce n’est pas le genre de ville que j’affectionne particuliérement.-Deauville a été construite dans la campagne normande uniquement pour satisfaire les désirs des parisiens aisés qui venaient passer leurs week-end sur la côte.-
Le Duc de Morny, demi -frère de l’empereur Napoléon III, avait l’ambitieux projet de transformer en station balnéaire, le petit village de Deauville qui comptait 80 habitants. Il a fait assécher les marécages et la construction de la ville débuta en 1860.
Aujourd’hui, on peut admirer la villa Strassburger, une des maisons les plus somptueuses de Deauville, construite en 1907.

Le baron Henri de Rothschild a offert ce terrain à la famille de Gustave Flaubert, (l’auteur de “Madame Bovary” roman qui l’a rendu célèbre). Flaubert avait dû vendre ses biens pour rembourser des dettes. L’écrivain fit construire une maison magnifique avec un mélange de murs à colombages, de tours, de pagodes avec des corniches et des toits du style de chalet suisse. Malheureusement, la villa n’était pas ouverte et j’ai seulement pu prendre une photo de moi, sur « l’Escargot « à l’extérieur du portail. Avec mon petit solex, j’ai roulé, dans les rues de Deauville, entre des Masératis, Lamborghinis et Bentleys puis, j’ai continué le long de la côte. A Villers-sur-mer, je n’ai pas pu me retenir de poser devant un chef-d’oeuvre de topiaire – un dinosaure géant qu’un jardinier municipal était entrain de tailler.-

Je me suis arrêté à Dives-sur-mer pour une courte pause avant de prendre la direction de Cabourg, de traverser l’Orne et de passer “Pégasus Bridge” qui enjambe le canal de Caen.

Très tôt, le matin du 6 juin 1944, jour du débarquement, le pont a été rapidement repris aux Allemands par la 6e Division aéroportée britannique lors d’une attaque surprise des commandos arrivés en planeurs. La récupération du pont s’est avérée être un grand succés pour les Alliés car désormais, les Allemands ne pouvaient plus envoyer de renforts sur les plages normandes.
Le pont a été nommé Pégasus en l’honneur de l’emblème du régiment de parachutistes – le cheval volant Pégasus.- Le café, juste à l’entrée du pont, prétend être la première maison libérée au cours de l’invasion alliée et est toujours dirigé par la famille Gondrée qui le considère comme un sanctuaire en l’honneur des bérets verts.
Après avoir dépassé Caen, je me suis retrouvé sur la route côtière menant à Ouistreham. C’était beaucoup plus facile pour moi parce que généralement, près de la mer, les routes sont plates et le vent était trop faible pour me ralentir. Je roulais facilement à 30 km/h.
De la route qui descend vers Arromanches, on peut apercevoir sur la mer, les vestiges du plus grand exploit d’ingénierie de guerre de tous les temps. Les restes du “Mulberry port “ émergeant plus ou moins en fonction des marées.

En 1944, le débarquement a eu lieu sur les plages autour d’Arromanches et le plan était de débarquer des centaines de milliers d’hommes et des tonnes de matériels afin de libérer la France.
Idéalement, le débarquement aurait dû avoir lieu dans un grand port, Cherbourg était le seul situé à une distance raisonnable mais, les Allemands surveillaient la côte et il était évident que les Alliés n’auraient pas pu débarquer à Cherbourg.
Churchill a donc mis au point un plan audacieux. Immédiatement après le débarquement des troupes, les alliés apporteraient de quoi construire des ports artificiels qui leur permettraient de rapidement débarquer sur les plages normandes, tous leurs matériels militaires et les provisions pour les soldats.
Les ports mobiles, baptisés“Mulberry”devraient être constitués d’un grand nombre de caissons en béton individuels, (énormes structures creuses), qui traverseraient la Manche, remorqués par les bateaux puis coulés au large des plages d’Arromanches et d’Omaha.
Une fois assemblés, ils formeraient des brise-lames, des pontons et des routes. Des barges pourraient assurer la liaison avec la terre et décharger leurs cargaisons de matériels indispensables au maintien des troupes au sol. Des ponts mobiles permettraient aux véhicules militaires d’accéder à la plage.
Chaque caisson pesait entre 2 000 et 6 000 tonnes, ils étaient tirés par des remorqueurs à une vitesse de 3 nœuds (environ 5 km/h). Une fois en position, les caissons étaient partiellement immergés, la mer étant peu profonde. Ces blocs sont toujours visibles comme une suite de cubes incurvés.
Pendant dix mois, le Mulberry d’Arromanches a permis le débarquement d’environ deux millions et demi d’hommes avec un demi-million de véhicules et quatre millions de tonnes de marchandises.
Un arrêt à Port-en-Bessin-Huppain m’a permis de déguster une crème glacée et de me détendre un peu les jambes sur le port de pêche où régnait une grande activité due à la réparation de plusieurs bateaux,ce qui provoquait des bruits incessants et assourdissants…

Distance totale parcourue pendant ces 4 jours : 440 km
Jour 5- De Grandcamp Maisy à Cherbourg (102 km)
Grandcamp Maisy est un petit port de pêche attrayant avec sa belle plage et son bord de mer qui incitent à la promenade. Malheureusement, à cause d’un coefficient des marées exceptionnellement fort, la plage était pratiquement couverte d’algues qui dégageaient une odeur désagréable.
Néanmoins, je me suis assis sur un banc, en face de la mer, et j’ai mangé un sandwich en regardant le monde passer. Une vieille dame s’est assise à côté de moi et comme toujours, le solex a été un sujet de conversation. Elle s’appelait Edith et elle m’a dit qu’elle était en vacances à Grandcamp Maisy avec son petit-fils – elle avait 84 ans-
Edith a vécu toute sa vie à Bayeux, à environ neuf kilomètres de la côte et elle se souvient de l’époque du débarquement en Normandie, en 1944, bien qu’étant âgée seulement de 12 ans. À l’époque, les gens du coin étaient conscients qu’une invasion des Alliés était imminente mais, ils ignoraient où et quand elle aurait lieu.
Huit jours après le débarquement, Edith a décidé de prendre sa bicyclette et d’aller voir ce qui se passait en pédalant jusqu’à Arromanches. Autour du Mullberry, elle a vu une mer noire de bateaux qui semblait s’étendre loin à l’horizon. Le débarquement de troupes et le transport des matériels avaient déjà commencé. Durant les dix mois qui suivirent, le port Mullberry eut un rôle primordial dans la sauvegarde des troupes alliées et apporta une contribution précieuse à la libération de la France.
Après avoir traversé Isigny, j’ai dû faire un petit détour à l’intérieur des terres pour passer la rivière Taute à Carentan, une ville beaucoup plus modeste que j’avais imaginé mais, je roulais bientôt vers la côte, sur la route que l’armée américaine avait prise, après avoir atterri à Utah Beach.
Au nord d’Utah Beach, la route longeait la côte et je pouvais admirer la vaste étendue de sable. J’étais surpris du nombre de fortifications allemandes, (les blockhaus) restant encore tout le long de la côte. – bien qu’à la réflexion, ayant été construites en béton armé et en plus par les Allemands, ce n’était pas si surprenant qu’elles aient duré plus de 70 ans-.

La plupart des blockhaus restants semblent être utilisés par les agriculteurs pour stocker leurs matériels ou abriter des animaux.
Une fois de plus, les routes longeant Utah Beach étaient parfaites pour le solex et « L’Escargot courait à folle allure » – du moins, c’est l’impression que cela m’a fait…
Au large de Saint Vaast, j’apercevais de nombreuses structures en bois visibles à la surface de la mer, pas trop loin du rivage. C’était un alignement de longues tables de quelques pieds de hauteur, au raz de la ligne de flottaison avec ce qui semblait être des sacs posés dessus.
Il s’agissait en réalité des célèbres bancs d’huîtres de St Vaast que beaucoup de personnes considèrent comme étant les meilleures huîtres de France.
Bien qu’ayant mangé des nombreuses huîtres dans ma vie, je n’ai jamais vraiment beaucoup réfléchi à la façon dont elles étaient produites commercialement et comment elles se reproduisaient étant donné qu’elles semblent avoir une vie relativement statique. Le frai a lieu au printemps, lorsqu’une élévation de la température de l’eau déclenche la libération du sperme des mâles en même temps que les femelles libèrent leurs oeufs, (entre 50 000 000 et 80 000 000).
Peu de temps après la fécondation, une larve de la taille d’une tête d’épingle, éclot et environ dix jours plus tard, elle est en mesure de nager. Deux semaines aprés, la coquille commence à se former pour devenir un « naissain » qui coule au fond de la mer pour se fixer à un rocher ou plus souvent à une autre coquille d’huître.
Cette période de deux semaines est le seul moment où l’huître est mobile. Elle passera le reste de sa vie sur des tables où elle pourra seulement ouvrir et fermer sa coquille pour se nourrir en filtrant l’eau de mer.
Il faut environ trois ans pour qu’une huître atteigne sa maturité, sa taille augmentant d’environ de 2,5 cm par an. Dans leur milieu naturel et si elle n’est pas mangée par des prédateurs, elle peut vivre dix ans durant lesquels elle se reproduira un nombre incalculable de fois
Les fermes, comme celles de St Vaast, mettent les naissains dans des sacs en maille de corde spéciale, de la forme d’une taie d’oreiller. Ces sacs sont posés sur des tables, dans la mer jusqu’à ce que les huîtres aient atteint leur maturité. Ils sont tournés régulièrement et éclaircis au fur et à mesure que les huîtres grandissent afin de leur donner de la place pour se développer sans être déformées.
Les huîtres de Normandie sont renommées pour leur chair charnue et riche en iode ; celles de St Vaast auraient un goût particulier de noisette qui les distingue des autres.
J’ai gouté une douzaine d’huîtres à St Vaast, même si elles sont effectivement très bonnes, je dois avouer que le goût particulier de noisette m’a échappé. Je reconnais que je suis rarement en mesure de détecter le goût de groseille, framboise ou de forêt de pins parfumés… dans un vin fin.
Je me suis reposé pendant presque une heure à Barfleur où j’ai trouvé un banc près du port et j’ai regardé la marée montante. Une mouette solitaire était au-dessus de moi comme suspendue à un fil invisible venu des cieux. L’eau du port était claire comme du cristal et les petites vaguelettes léchaient doucement le haut de la rampe de mise à l’eau, face à moi. L’horloge de l’église, à ma droite, sonnait chaque demi-heure. Les « teuf ! teuf ! » des moteurs annonçaient le retour au port, des bateaux de pêche, suivis d’un cortège de mouettes qui espèraient avoir une part du butin. Le soleil brillait et une douce brise caressait mon visage -tout allait bien et il me restait plus que 28 km à parcourir dans la journée.-

Après Barfleur, la route tournait vers l’ouest, en direction de Cherbourg, la destination finale du cinquième jour de mon périple. Après quelques autres belles vues de la mer, j’atteignais l’Anse du Brick quand s’est déroulé devant moi, le magnifique panorama du port de Cherbourg.

Distance totale parcourue pendant ces 5 jours : 552 km
Jour 6 –De Cherbourg à Pirou. (111 km)
J’ai séjourné à l’auberge de jeunesse de Cherbourg, -j’espère que vous n’êtes pas entrain de pouffer de rire …- qui était proche du quartier arabe de la ville dans lequel il y avait des kebabs avec des tables à l’extérieur; tous les clients semblaient être d’origine nord-africaine. Le soir, des canapés étaient installés sur les trottoirs avec des petites tables du café sur lesquelles les clients avaient précédemment bu du jus d’orange et mangé des kebabs. Plusieurs personnes fumaient le narguilé. Je ne sais pas ce qu’il y avait dedans, mais, elles semblaient toutes très détendues….
Malgré l’heure matinale, la circulation était importante jusqu’à ce que j’atteigne la périphérie de la ville où j’ai pu retrouver mes routes côtières en direction du Cap de La Hague. Le littoral, à l’ouest de Cherbourg, est magnifique avec une mer d’un bleu vif reflétant la couleur du ciel et une côte rocheuse avec des petites criques et des anses. Mais, c’est trés dommage que ce paysage soit gâché par l’usine de recyclage nucléaire, au loin, près du village de Jobourg.
Ce site est le plus grand du monde entier. Il récupère les combustibles nucléaires usés provenant des pays voisins et éloignés ; ce qui entraîne des déplacements fréquents de produits radioactifs très dangereux.
Greenpeace fait une campagne antinucléaire depuis la fin des années 90 et réclame la fermeture de l’usine. Greenpeace affirme que 1 000 000 de litres de déchets radioactifs sont déchargés dans la Manche en face de La Hague chaque jour- Oui, je dis bien «tous les jours !».
Des analyses de l’eau au large de la Hague, ont été faites par des sociétés indépendantes. Elles ont montré que cette eau était 17 millions de fois plus radioactive que l’eau de mer normale.
La radioactivité rejetée dans la mer est entraînée vers le nord par les courants. Elle a été détectée dans la mer du Nord et même dans les eaux de l’Arctique. On peut seulement se demander quels seront les effets sur la population locale de poissons et sur ceux qui les consomment – Avoir dégusté ces huîtres à St Vaast ne semble plus maintenant avoir été une très bonne idée-…
Le site de la Hague rejette aussi régulièrement des nuages de fumées radioactives augmentant ainsi le taux du Krypton-85 (90 000 fois supérieur au taux normal.) Il en est de même pour l’isotope du Carbone-14, qui est généralement considéré comme très nuisible pour la santé humaine.
Ce n’est donc pas étonnant d’entendre qu’une autre étude indépendante a révélé que les enfants qui vivent à proximité de l’usine, sont trois fois plus susceptibles de contracter la leucémie que ceux qui vivent ailleurs en France.
Bien sûr, avec 58 réacteurs en France, qui fournissent 80 % de l’électricité du pays, quelqu’un doit traiter les déchets provenant des centrales et personne ne souhaite que ce soit fait dans son jardin…

Je me suis approché de l’installation par l’arrière où plusieurs hautes cheminées se dressaient au-dessus des arbres. En avançant progressivement vers le côté ouest de l’usine, je pouvais voir une antenne radar en lente rotation – comme un oeil qui observerait tout- Toute la zone était entourée par une double clôture très haute avec des rouleaux des barbelés enroulés à l’intérieur. Fixés à la clôture, je pouvais voir plusieurs fils avec de très grands isolants, je ne pense pas qu’il s’agisse d’une clôture électrique ordinaire pour garder les vaches à distance-…
J’ai soudain pris conscience d’un étrange silence tout autour du site. A part quelques voitures garées à l’intérieur de l’usine, il n’y avait aucun signe de présence humaine. Les bâtiments austères sont d’immenses blocs de béton, sans fenêtre. Rien de visible ne sortait des cheminées et il n’y avait pas le moindre bruit.
Me rappelant plusieurs épisodes de « Simpsons », je me suis soudainement rendu compte que tout ce qui entourait l’usine était vert : l’herbe, les feuilles, les pins, les fougères sur le côté de la route, le champ de maïs ondulant sous la brise, les champs de choux et de laitues.
J’ai baissé la visière de mon casque pour me protéger d’éventuelles radioactivités. Quelques centaines de mètres plus loin, ma visière avait viré au vert et le plastique commençait à fondre. J’ai retenu mon souffle et je me suis précipité vers le garde de sécurité à « deux têtes » de la porte principale…C’est seulement une blague! pardon! mais, je ne peux pas m’empêcher d’imaginer les conséquences que les substances sortant de ces cheminées, peuvent avoir sur notre organisme.-
J’ai fait le plein de fuël aux « Pieux » (j’aurais préféré y faire une sieste !) Ensuite, j’ai continué mon chemin entre quelques agréables ruelles autour de Sciotot, le Rozel et Surtainville où j’ai pu admirer plusieurs vues magnifiques telles que de très belles plages avec des rochers proéminents.
À Carteret, j’ai décidé d’aller jusqu’au cap. Ma carte me laissait entendre que j’aurais un superbe panorama sur la mer et la côte si je roulais encore un peu plus loin. Ce que la carte n’avait pas signalé, c’était que je devais gravir une colline très haute jusqu’à l’extrémité du cap. Elle était certainement la plus raide et la plus longue côte que je n’avais jamais tenté de monter. De plus, il faisait très chaud; j’approchais du sommet, (en marchant à côté de ‘L’Escargot’ évidemment), quand j’ai senti une douleur dans ma poitrine et j’ai eu peur qu’il ne s’agisse d’une crise cardiaque !!!…
De toute évidence, il est certain que ce fut très pénible pour moi d’atteindre le phare en haut de la colline mais, cela en valait la peine, car la vue y était absolument magnifique ! La route qui me restait à faire me parut soudainement très longue. L’après-midi n’était pas terminée. J’ai acheté quelques fruits à Barneville-Carteret pour me redonner des forces et j’ai repris la route vers le sud, jusqu’à Port Bail.
La disposition de Port Bail est plutôt étrange car dans le village même, il y a un vieux pont en pierre très étroit, qui relie les deux ports. Ce pont surplombe une lagune très connue des canoéistes et des mouettes. Cet endroit est aussi un lieu privilégié pour les amateurs de voile. Je me suis reposé sur une belle plage de sable fin, de l’autre côté du pont.
Sur ma route, j’ai ensuite traversé une zone d’agriculture intensive – des carottes, des poireaux et des céleris étaient à l’ordre du jour- les champs de céleri dégageaient une odeur agréable. Jusqu’à maintenant, j’ai toujours pensé que les carottes que nous achetons dans les supermarchés français étaient recouvertes de sable pour les conserver. Pas du tout, la présence du sable est due au fait que les carottes originaires de cette région, sont cultivées dans un terrain constitué essentiellement de sable.
Puis, le paysage a soudainement changé. Sur plusieurs kilomètres, la route traversait des forêts de pins odorants avec les bernes couvertes de belles bruyères roses – si j’avais été en mesure de fermer les yeux, j’aurais presque pu m imaginer dans un supermarché, dans le rayon des produits parfumés pour salle de bain-…
Mon arrêt pour la nuit était au Pirou, une petite station balnéaire avec une belle plage et une piscine d’eau de mer qui se vide et se remplit au rythme des marées – une idée ingénieuse qui permet aux gens d’accéder à la piscine pour une modique somme.-
Distance totale parcourue pendant ces 6 jours : 653 km
Jour 7 – De Pirou à Avranches. (66km)
Depuis le Pirou, la surface de la route était d’une couleur étrange, un peu rose mais, au moins c’était bien plat et j’ai donc pu rouler à une vitesse raisonnable. Après une petite pluie, je roulais prudemment en évitant de trop rouler sur les lignes peintes, me rappelant l’accident du Tour de France de cette année où plusieurs coureurs ont dérapé sur la peinture des lignes blanches de la chaussée rendue glissante par la pluie.
Vingt kilomètres après le Pirou, la route passait de l’autre côté de la rivière « la Sienne » parallèlement au pont de la Roque qui est un vieux pont romain avec la partie du milieu manquante.
Au cours de la seconde guerre mondiale, ce pont a été la cible des Alliés pour empêcher l’armée allemande de battre en retraite en partant de Cherbourg. Ainsi, les Allemands étaient pris au piège, au nord de la rivière. Le pont était dans une vallée, ce qui ne facilitait pas les bombardements aériens et la RAF a dû effectuer vingt raids pour détruire, avec une grande précision, les trois arches centrales de ce magnifique pont.

Les Allemands ont néanmoins réussi à traverser la rivière à marée basse et à poursuivre leur retraite jusqu’à Granville. Le pont endommagé a été conservé comme un monument et j’ai traversé la rivière sur le nouveau pont qui a été construit à côté de l’ancien, juste après la guerre.
Je me suis arrêté pour prendre un café dans un petit bar et j’ai été abordé par Ali qui tenait absolument à me parler en anglais – Ali était originaire d’Afrique du nord.-
–« Je connais Angleterre », m’a-t-il dit, « Je suis allé à l’université à Green-witch près de Londres. »
J’ai corrigé sa prononciation et lui ai dit que même si c’était écrit : Greenwich, il devait prononcer : Grén-ich.
Il m’a répondu :
-« Oui, je le sais, une très belle place. »
Je lui ai demandé ce qu’il avait étudié.
-« Pas d’étude … J’ai visité le musée là … très beau. »
-« En Angleterre, les gens ne vous parlent pas beaucoup … comme vous le dites, ils sont réservés. Mais, ils me traitent très bien, pas comme ici, en France. Je suis venu d’Algérie avec mes parents quand j’étais un petit bébé pour vivre à Paris. Nous vivons dans un quartier qui n’est pas très beau et nous n’avons pas beaucoup d’argent et maintenant, les Français me regardent comme si j’étais un terroriste. C’est très difficile. Je pense que je préférerais vivre à « Green-witch. »
Ali semblait un gars sympa qui n’a pas eu la vie facile, sans aucun faute de sa part – j’ai sympathisé avec lui et lui ai dit adieu.-
Je suis ensuite arrivé à Granville, l’une des plus grandes villes de la presqu’île du Cotentin. J’ai lentement roulé dans la ville animée jusqu’à la zone portuaire. C’était un endroit très fréquenté. Il y avait beaucoup de monde dans les restaurants de fruits de mer autour du port et sur la plage. De très gros bateaux assuraient aux touristes la traversée jusqu’aux îles Chausey qui se trouvent à environ 15 kilomètres à l’Ouest de Granville. Il est évident que la pêche y est une activité florissante. J’ai grimpé la route, à l’extérieur de la ville et je me suis dirigé vers le sud, par St Pair sur Mer, en direction de Jullouville qui doit être l’une des villes les plus longues du parcours sur la D 911 avec tous ses magasins de souvenirs et ses marchands de glace.
Juste avant St Jean le Thomas, il y avait une vue magnifique sur la baie du St Mont Michel. À partir de là, j’ai pris une petite route le long de la côte jusqu’aux Genêts et je me suis arrêté à la plage du Bec d’Andaine pour déguster encore des ‘moules frites’; – il n’y avait pas grand-chose d’autre dans le menu – et les ‘moules’ ici sont les meilleures que j’ai mangées depuis le début de mon périple.
Genêts est le point de départ de ces intrépides randonneurs qui veulent suivre les traces des pèlerins, lors des pèlerinages, depuis de nombreuses années. À marée basse, il est possible de faire la traversée à pied en deux heures, dans le sable plus ou moins mouvant, la vase et l’eau. Il est fortement déconseillé de faire la traversée du Mont St Michel sans un guide car certains endroits peuvent s’avérer dangereux à cause de sables mouvants ou de forts courants à la marée montante.
Distance totale parcourue pendant ces 7 jours : 719 km
Jour 8 –D’ Avranches à Dinan. (110km).
J’ai suivi une trés agréable petite route qui longeait la côte près de Ceaux juste aprés Avranches. J’étais le seul motorisé parmi uniquement des cyclistes. Régulièrement, j’apercevais le Mont St Michel à travers les arbres.

Comme je m’approchais du Mont St Michel, je n’avais d’autre choix que d’utiliser la route principale où circulaient de nombreux touristes venus voir le Mont. J’ai décidé de ne pas le visiter, (l’ayant déjà vu une fois), j’ai préféré la liberté de mon solex au lieu d’être debout dans une file d’attente avec la moitié de la population de Chine et du reste de l’Europe.
J’ai repris mon chemin vers Beauvoir où il y avait vraiment un « beau » « voir » du Mont St Michel. J’ai traversé un petit pont sur le fleuve le Couesnon et je suis rentré dans la région des Polders.
La terre dans les Polders, si on peut appeler ça de la terre, est composée plus ou moins entièrement de sable. Dans ce paysage plat, sont cultivées principalement des asperges. Ici, les routes étaient très étroites mais, totalement vides, à part quelques tracteurs. Une légère brise soufflait au large de la baie mais, la route était facile et c’était l’idéal, ce fut un vrai plaisir de rouler en solex.
Un peu plus loin, à l’ouest du Mont St Michel, près du petite village de St Marcan, je suis tombé sur un étrange structure – un bâtiment carré, en pierre, presque sans fenêtre et mesurant environ quatre mètres de côté et près de cinq mètres de hauteur. Un balcon en bois faisait le tour de la partie supérieure. Sur le toit se dressait ce qui semblait être une ancienne antenne de télévision à côté d’une échelle en bois.
Il s’agit d’un des derniers sémaphores ou Tour de la télégraphie, composé d’un système ingénieux permettant de communiquer à travers toute la France au cours de la dernière partie du dix-huitième siècle.

Les tours de sémaphore ont été inventées en 1790, par un jeune prodige français, Claude Chappe. À cette époque, la France était entourée par ses ennemis : la Grande-Bretagne, la Hollande, l’Autriche et la Prusse. Il était important pour les militaires que tous les renseignements et les ordres soient rapidement et en toute sécurité, transmis de toutes les régions vers la capitale. A l’époque, la seule façon d’envoyer un message écrit à la main était de le confier à un cavalier; ce qui était à la fois lent et peu sécurisé.
L’idée de Chappe était de construire une série de tours entre les principales villes. Chaque tour étant visible à environ 10 kilomètres de la suivante. Ainsi, les messages étaient transmis visuellement de tour en tour.
Après quelques expériences, Chappe a constaté qu’il était plus facile d’envoyer les messages en fixant une barre en haut d’un mât de la tour. Il s’agissait d’une croix en bois d’environ quatre mètres de long. A chaque extrémité, était une barre articulée d’environ 1,5 mètre de longueur. Des bras, grâce à un système de cordes et de poulies fixées à la barre avec des angles variables, (à 45 degrés d intervalles) permettaient d’orienter la barre horizontalement ou verticalement. Les différentes positions obliques correspondaient aux différents signes qui composaient le message.
Ces différentes configurations formaient une combinaison de 98 postes qui pouvaient être vus de la tour voisine. Un numéro était attribué à chacun des postes ainsi qu’une liste de références de codage pour permettre au destinataire de décoder le message, (chaque chiffre représentant une lettre de l’alphabet, un nombre, une expression ou un groupe de lettres).
La première ligne de quinze tours a été construite entre Paris et Lille en 1792, couvrant une distance totale de 143 kilomètres et un court message pouvait être envoyé en neuf minutes.
Le système a été considéré comme une grande réussite et de nouvelles tours ont été construites pour relier toutes les principales villes. La plupart ont été construites sur un terrain élevé mais, dans certains cas, les grands bâtiments, comme les églises ou les cathédrales, ont été utilisés.
La tour à St Marcan, qui a récemment été restaurée dans son état de fonctionnement d’origine, faisait partie de la ligne des tours entre Paris et Brest. La prochaine tour-relais pour St Marcan se situait à Mont Dol, à l’ouest du Mont St Michel. En tout, 556 tours ont été construites tout au long de la France mais, très peu existent encore de nos jours.
Malheureusement pour Chappe, son succès a été d’assez courte durée car le télégraphe électronique a débuté en 1852, ses tours sont devenues obsolètes et ont commencé à se détèriorer.
Je suis retourné sur la route qui longe la rive sud de la baie du Mont St Michel et en approchant de Cancale, j’ai pu profiter d’une vue panoramique sur l’eau avec, dans le lointain, le Mont St Michel, partiellement noyé dans le brouillard.
Cancale est un agréable port dont on sort par des routes raides qui mènent à la ville; j’ai donc aussitôt continué à pied à côté de « l’escargot » et nous avons poursuivi notre chemin vers le haut de la ville afin de reprendre la route de St Malo.

Il y avait beaucoup de circulation dans les rues de St Malo mais, la plupart avaient une voie cyclable sur le côté et ainsi ma progression à travers la ville était à la fois rapide et relativement sûre.
Le seul moyen de traverser l’embouchure de la rivière, la Rance, à Dinard , était une route à deux voies – route interdite aux solex… L’alternative aurait été de faire un détour à l’intérieur des terres, détour qui m’aurait rallongé de 30 km … j’ai donc décidé de prendre le risque de passer par la route à deux voies -.
Malheureusement, les accotements de la route n’étaient pas stables et les voitures roulaient vite sur les deux voies et j’étais conscient que ma vitesse lente génait les voitures qui faisaient un écart pour m’éviter. J’étais très heureux de passer de l’autre côté et j’y réfléchirai en deux fois avant de m’aventurer sur une telle route avec autant de circulation.
Je me suis reposé à Dinard et j’ai profité de la vue de la ville, à partir d’une plage de sable, le long de la Rance.

Après Dinard, je suis allé vers l’intérieur des terres en direction de Dinan que je tenais absolument à voir, beaucoup de monde m’ayant dit que c’était une jolie ville médiévale. Ce fut un changement de paysage dans une campagne où se succédaient des forêts et des vaches, couchées à l’ombre dans des prairies verdoyantes.
Dinan est en effet une ville exceptionnelle mais, comme dans tous les sites exceptionnels, c’était plein du monde. L’architecture de la vieille ville, au sommet de la colline, a été bien préservée mais, les touristes se bousculaient dans les rues; les cafés et les restaurants étaient bondés…
Depuis le viaduc, je pouvais voir le vieux port sur les rives de la Rance. Comme il semblait y avoir peu de monde, j’y suis allé. Ayant horreur de la foule, j’ai pu apprécier la beauté et la tranquillité du lieu.

À Dinan, j’ai séjourné à l’auberge de jeunesse, (vous n’êtes pas encore entrain de rire, j’espère !), qui était plutôt un beau moulin de pierre sur le bord de la ville, entouré d’arbres et le seul bruit était celui du ruissellement de l’eau du moulin.
Distance totale parcourue pendant ces 8 jours : 829 km
Jour 9 – De Dinan à St Brieuc. (104 km).
À l’auberge de jeunesse, le seul autre Anglais qui était là, s’appellait Robin, un vieux monsieur âgé de 72 ans, (mon Dieu !c’est mon âge – mais, il m’a semblé beaucoup plus âgé). Il venait d’une exploitation ex-zone minière de Nottinghamshire et avait été membre de l’association des auberges de jeunesse pendant plus de 50 ans. Depuis sa retraite, il passe son temps à voyager à travers principalement le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne, en séjournant toujours dans des auberges de jeunesse.
Il m’a dit, avec fièreté, qu’il achetait tous ses vêtements dans des boutiques de bienfaisance – ce qui ne m’étonnait pas étant donné son apparence.- Il m’a assuré que je pourrais obtenir un costume dans la boutique de charité à Derby pour £1 – Cela pourrait m’être utile la prochaine fois que j’irai à un enterrement. En y réfléchissant bien, le prochain enterrement sera probablement le mien donc, pas besoin de s’inquiéter…-
Robin prend des compagnies lowcost lorsqu’il va à l’étranger (comme la plupart d’entre nous) et pour économiser un maximum sur les bagages de cabine, il m’a dit qu’à chaque fois qu’il prenait l’avion, il portait toujours 3 chemises, 2 pulls, 1 paire de pantalons et un manteau …
Il a pris le vol à l’aéroport de Dinard avec Ryanair; je n’ai pas vu cet aéroport qui, apparemment, est dans un champ à la de sortie de la ville. Quand il est arrivé, il a fait du stop jusqu’à Dinan. Il devait repartir le lendemain et il envisageait de prendre un bus jusqu’à Dinard et de faire à pied les 5 derniers kilomètres jusqu’à l’aéroport. Le temps était très chaud ce jour-là et je n’ai pas pu m’empêcher de me demander comment il pouvait marcher avec tous ces vêtements par cette chaleur étouffante…
De Dinan, je suis retourné sur la côte, je me suis arrété brièvement à Matignon pour prendre un rafraîchissement. Puis, direction le Cap Fréhel, une partie sauvage de la côte bretonne qui est un site touristique populaire. J’ai garé le solex près du phare et je suis parti prendre quelques photos. Lorsque je suis revenu, j’ai vu des touristes qui prenaient des photos de… mon vélosolex!

À l’ouest de Cap Fréhel, il y avait plusieurs plages merveilleuses, nichées au milieu de la côte accidentée. C’était l’un des plus beaux endroits que j’ai traversés et la prochaine ville, les Sables-d’Or-les-Pins, était exactement comme sur les boîtes en métal, vendues dans les boutiques de souvenirs. – une immense plage de sable doré, bordée de pins-. La mer était d’un bleu clair et les îles, au large, lui donnaient un charme particulier. J’ai pris une pause, assis sur le front de mer, et j’ai déjeuné avec une baguette et du saucisson sec.

À l’ouest de Sables-d’Or-les-Pins, se trouvaient plusieurs petits villages de pêcheurs et quelques restaurants de fruits de mer. En m’approchant de St Brieuc, le paysage devenait de plus en plus boisé et il commençait à pleuvoir quand je suis entré dans la ville. J’avais prévu de séjourner à Plérin, à la périphérie de St Brieuc, dans un petit hôtel qui surplombait la côte de St Laurent de la Mer qui s’est avéré un point de repos agréable et calme.
Le propriétaire de l’hôtel m’a recommandé un barbecue annuel qui était organisé le soir même au camping situé en bas de la rue de l’hôtel – je n’avais pas beaucoup mangé dans la journée, (je n’ai pas la sensation de faim quand je roule) – j’ai donc décidé d’y d’aller.
J’avais le choix: moules frites ou cochon grillé- J’ai opté pour les 2 ; j’ai pensé que je pouvais prendre les moules en entrée.- Les portions étaient beaucoup plus grosses que ce à quoi je m’attendais, si bien qu’à la fin du repas, j’avais l’impression d’être «un cochon de lait farci»… Malheureusement, le fait que je parcourais les côtes de France sur mon solex, s’est propagé autour de moi et le chef est venu m’offrir une portion supplémentaire de cochon grillé !!!!! Je n’en pouvais plus de manger mais, j’ai dû me forcer, le restaurateur étant assis à côté de moi…
Un joueur de cornemuse breton nous a divertis avec un autre musicien qui jouait de ce qui me semblait être un genre de petite clarinette, sans doute un instrument local. La musique était agréable mais, trop répétitive. Plus tard, dans la soirée, il y avait un couple de chanteurs mais, je ne suis pas resté car le lendemain serait une longue journée et je voulais me lever tôt.
Distance totale parcourue pendant ces 9 jours : 993 km
Jour 10 – De St Brieuc à Trébeurden. (129km)
La route, les 30 premiers kilomètres vers St Brieuc, était relativement plate et « L’Escargot » semblait jouir du plaisir de rouler sans la contrainte d’avoir à grimper et « nous avons volé » tout le long de la route.
« Nous nous sommes arrétés » à la plage Bonaparte, juste au-dessus de la ville du St Quay Portrieux et à proximité du village de Plouha où il y a une longue descente raide jusqu’au niveau de la mer,- ce qui n’a pas facilité mon retour à la route principale.- La petite crique est considérée comme un lieu très connue à l’époque de la ligne de Shelburne.
La ligne de Shelburne, créée en 1943 par l’Intelligence Militaire Anglaise MI9, dont le nom de code était : WW2, avait pour mission de faire évader les soldats de Paris par la plage Bonaparte et de rejoindre ensuite l’Angleterre. Elle permettait aux militaires alliés et aux agents de renseignements d’éviter d’être capturés par les Allemands qui occupaient la France. En tout, 135 hommes ont été évacués par la plage en huit opérations séparées et sont retournés en Angleterre sans craindre d’être pris par la Gestapo.
Les hommes devant être évacués, étaient initialement rassemblés dans des maisons sécurisées à Paris et lorsque l’opération d’évacuation était prévue, un message codé était envoyé de Londres par la radio (T.S.F) dans toutes les villes de Bretagne.Tous ces hommes ont reçu un nouveau nom avec une carte d’identité, des vêtements, une formation et des cartes spéciales signalant les zones interdites sur la côte. Mais, surtout, ils devaient se faire passer pour des ouvriers étrangers qui étaient censés construire les défenses allemandes…
Des bénévoles locaux et des membres de la Résistance Française leur assuraient l’hébergement dans la région jusqu’à la nuit de l’évacuation qui avait toujours lieu une nuit sans lune. Ils étaient tous amenés par petits groupes, en haut de la falaise où ils devaient attendre un éclaireur qui avait la dangereuse mission de repérer les mines sur le chemin. Quand il en trouvait une, il la signalait avec un mouchoir blanc. Les hommes pouvaient ensuite rejoindre la mer et partir pour l’Angleterre. Cela restait un exercice dangereux car les Allemands avaient des postes de guet tout au long de la côte.
La Marine Royale Britanique envoyait un MGB, (un bateau à moteur muni d’armes à feu). Quand le bateau arrivait, les hommes descendaient la falaise en marchant l’un derrière l’autre, ayant pour instructions de rester silencieux, de ne pas fumer et bien sûr, de ne pas marcher sur les mouchoirs blancs.
Ils devaient ensuite ramer jusqu’au MGB. Il y avait ensuite quatre heures de trajet avant d’atteindre Dartmouth dans le Devon. Le MGB a été choisi pour cette mission parce qu’il était relativement silencieux, rapide (35 nœuds soit environ 65 km /h) et il pouvait transporter jusqu’à 25 hommes. Une fois le MGB parti, l’éclaireur retournait au sommet de la falaise en récupérant les mouchoirs blancs. Aujourd’hui, la plage est accessible par un tunnel creusé dans les rochers et elle est très populaire pour les baignades.

Au retour, la route principale était effectivement difficile à cause de la côte raide- que j’avais précédemment descendue – J’ai dû marcher à côté de « L’Escargot » pendant un certain temps pour revenir au niveau de la falaise. J’étais maintenant dans le pays des célèbres hydrangéas qui étaient présents dans presque tous les jardins ; on en voyait même des sauvages tout le long de la route et dans les champs. J’ai croisé aussi de nombreux champs de non moins célèbres artichauts de Bretagne qui attendaient d’être récoltés.
La route, jusqu’à Paimpol, était plate, mais je pense qu’elle doit être l’une des moins bien entretenues de toute la Bretagne – je sentais chaque bosse et chaque trou de la route sur mon solex – Ensuite, la route est devenue de plus en plus vallonnée; les côtes devenaient moins longues; leur ascension était donc plus facile. Lézardrieux est une agréable ville connue pour ses activités nautiques et j’ai continué vers Lanmodez où j’ai déjeuné à côté d’un cimetière – joli et surtout tranquille-
Tréguier est un imposant village perché au-dessus de l’embouchure de la rivière Jaudy. Les plupart des bâtiments ont été construits à partir d’une pierre gris sombre qui paraît d’une très grande solidité. C’est alors que j’ai découvert une vieille église branlante avec un clocher tout disloqué – Je n’ai jamais vu de clocher aussi bizarre.

À la Roche Jaune, je me suis trompé de route et j’ai malheureusement manqué de passer par le village de St Gonery – peut-être dédié au saint patron des maladies sexuellement transmissibles-… Néanmoins, j’ai trouvé ma route vers Plougrescant pour ensuite arriver à un endroit particulier: Pors-Hir, un minuscule port de pêche, avec une plage de sable fin.
Tout au long de cette partie de la côte, j’ai pu admirer des vues magnifiques avec de nombreuses petites îles et les affleurements rocheux qui rendent la navigation difficile et dangereuse. La destination du jour était Trébeurden, à l’ouest de la ville. Le soir, j’ai assité à un splendide coucher de soleil.
J’ai séjourné dans l’auberge de jeunesse qui était en face de l’île Grande, juste à quelques kilomètres de Trébeurden. J’étais l’une des trois ou quatre personnes à passer la nuit à l’auberge. J’ai utilisé la cuisine pour réchauffer une boîte de raviolis pour mon dîner. J’avais une chambre pour moi seul, avec une petite terrasse et une table et des chaises .C’était un super endroit pour me détendre après avoir parcouru 129 km.
Dans la cuisine, j’ai rencontré une jeune Française, – Charlotte – elle était venue là pour une semaine, uniquement pour lire et aller à la plage. Elle suivait des cours d’arts dramatiques pour être comédienne ; elle semblait être persuadée de trouver du travail après ses études – espérons qu’elle interprètera des rôles comiques car, cela nous ferait du bien à tous de rire davantage…
Après mon repas simple, j’ai marché jusqu’à la plage et, assis sur un rocher, j’ai regardé le soleil se coucher. J’étais seul, dans une ambiance chaleureuse avec une très légère brise – j’ai bien aimé cet endroit-.
Distance totale parcourue pendant ces 10 jours : 1062 km
Jour 11 – De Trébeurden à Morlaix. (74km)
La pluie tombait encore une fois en ce début de matinée; heureusement, au bout d’environ une heure, la pluie a cédé la place au soleil qui a brillé par intermittence tout le reste de la journée. Le problème avec la pluie n’est pas qu’elle rende, évidemment, la chaussée plus glissante, donc moins sûre, il est surtout qu’elle réduit la traction du moteur sur les pneus et donc donne moins de puissance dans les côtes. En plus, l’eau couvre ma visière, cela réduit ma vision et je dois réguliérement l’essuyer.
La circulation, sur la route de Lannion était dense, je n’ai donc pas pu m’arrêter et j’avais hâte de sortir de la ville. Aucune alternative à la route principale et j’avais besoin de me concentrer davantage pour rester le plus près possible du bord de la route en maintenant une ligne droite.
La plage de St Efflam était envahie de planches à voile – qui dansaient majestueusement autour de la baie, – la route était juste à quelques mètres du sable. De là, j’ai pris un raccourci pour rejoindre la corniche de l’Amarique qui longe la côte en traversant des forêts de pins ombragées.
Je me suis souvenu d’une visite précédente à Locquirec mais, cette fois ci, la ville était noire de monde. Les terrasses des restaurants étaient pleines à craquer. Sans les gens et leurs voitures, cela aurait été un endroit agréable pour m’arrêter mais, les touristes visitent toujours les beaux sites, à la même époque…

Je voulais aller à Beg-un-Fryce- qui m’avait été recommandé- mais, après avoir pris quelques mauvais virages et payé le prix en grimpant jusqu’à deux ou trois côtes supplémentaires, j’étais trop fatigué pour faire marche arrière et j’y ai renoncé. Marcher le long du solex est en fait, très épuisant; même à sa vitesse la plus lente, le solex monte les côtes par ses propres moyens un peu plus rapidement que si je montais la côte seul. Il n’est pas possible de s’arrêter parce que le solex redescendrait la côte et il serait difficile de redémarrer ; donc, on continue sans arrêter jusqu’à ce que l’épuisement s’installe. Normalement, on peut atteindre le sommet et se reposer ensuite.
En direction du sud, vers Morlaix, j’ai fait une courte pause à Dourduff, un petit port de pêche où j’ai été accueilli par mon ami Gérard qui a pris quelques photos de moi sur mon solex – une chose qui est difficile à faire tout seul-
La route longeant la rivière, en direction de Morlaix, était très facile et agréable à parcourir en vélosolex..

Distance totale parcourue pendant ces 11 jours : 1136 km
Jour 12 -De Morlaix à Brest. (155 km)
Même si le temps était sec mais, nuageux quand j’ai pris la route, cinq minutes plus tard, le ciel a déversé toute sa réserve d’eau sur moi et j’avais l’impression de rouler sous une énorme douche. Le temps de trouver un endroit sûr pour m’arrêter, récupérer mon imperméable dans mon panier et le mettre, j’étais trempé jusqu’aux os. Bien sûr, le fait de mettre mon imperméable maintenait mes vêtements et mon corps trempés mais, au moins, cela me protégeait de la pluie qui n’en finissait pas de tomber. Malgré tout, j’ai repris ma route
Je me suis abrité un certain temps dans un abribus près de Plouescat. Je me sentais un peu comme un sans-abri en lutte contre les éléments et qui regardait les automobilistes, assis confortablement, bien au sec dans leur voiture climatisée. Comme le ciel ne montrait aucun signe d’amélioration, je me suis forcé à continuer sous la pluie pour finalement m’arrêter sous un marché couvert dans un village dont le nom m’échappe.
Après ça, j’étais totalement « saturé » de la taille aux pieds; mes chaussures et mes chaussettes « dégoulinaient ». Je sais maintenant ce que cela doit être de porter des couches d’incontinence pour aller le soir au pub… Le pantalon, soit disant, imperméable, que j’avais acheté dans le grand magasin « Black’s » à Norwich, s’est avéré être tout sauf imperméable et j’ai réfléchi à la manière dont je pourrais les poursuivre pour m’avoir vendu ce pantalon sous de faux prétextes.
Quand j’arrivai au village de Lilia, qui est en face de l’Ile de la Vierge, la pluie cessa enfin et céda la place à un brouillard tourbillonnant qui embuait continuellement mes lunettes. Je me suis arrêté à un point de vue pour regarder le plus haut phare d’Europe.
Etant donné les circonstances, ce jour-là, il s’appelait ‘tâche de trouver’ le phare…Vous devez regarder la photo ci-dessous et identifier le phare. Vous avez droit à quelques indices: je peux vous dire qu’il a une hauteur de 82,5 mètres, qu’il est fait de granit et qu’il faut monter 397 marches pour atteindre une lumière qui clignote toutes les cinq secondes et qui peut être vue à une distance de cinquante kilomètres. (50 km! Mon œil !…)
Je me suis arrêté au port de Portsall et j’ai mis mes vêtements de pluie à sécher. Il avait cessé de pleuvoir et le soleil faisait de son mieux pour m’envoyer un peu de chaleur.
Portsall est connu pour la tragédie qui l’a frappé en 1978. Le supertanker « l’Amoco Cadiz » s’est s’échoué sur les roches de Portsall à environ trois kilomètres au large, déversant sa cargaison de 250 000 tonnes de pétrole brut et 4 000 tonnes de fioul – la plus grande catastrophe écologique de nos jours-.
Suite à une avarie de son gouvernail, le tanker a dérivé vers la côte et s’est brisé en trois. Il y avait un fort vent du nord (130 km/h) et une très épaisse couche de pétrole s’est répandue dans le port.
Les roches de Portsall, sur la photo, sont au loin, à droite du phare.

J’ai discuté avec deux habitants âgés qui étaient là, à l’époque. Ils m’ont raconté leurs souvenirs de la catastrophe.
Je leur ai dit que cela avait dû avoir un effet dévastateur sur le village, Marcel a dit :
»C’est certain qu’en ce qui concerne la pêche, c’était un vrai désastre pour tous les professionnels mais, je ne pense pas que les habitants du village aient trop souffert. Beaucoup de gens sont venus de tous les coins de France, juste pour regarder la pollution sur les plages. Des centaines de travailleurs et de bénévoles ont nettoyé les rochers avec des lances à haute pression et les militaires ont été aussi d’un grand secours. Toutes ces personnes ont dû être logées et nourries et c’est sûr que tous les hôtels, restaurants et bars de la région ont fait de très bonnes affaires. »
Je lui ai demandé combien de temps il avait fallu pour que la pêche soit à nouveau autorisée.
» En ce qui concerne les poissons, il a fallu attendre six mois pour que cela redevienne à peu près normal. Je suppose que les poissons ont été en mesure d’aller au large, dans les eaux plus profondes qui n’étaient pas polluées et de revenir après le nettoyage. Pour les crustacés, bien sûr, il a fallu beaucoup plus de temps. Mais ce sont les oiseaux qui ont le plus souffert. C’était pathétique de les voir couverts de mazout. Ils ont essayé de les nettoyer et sans aucun doute, certains ont survécu mais, comme vous le savez, les oiseaux sont très fragiles et ils chiffrent le nombre de morts à environ 20 000. »
» Je suis sûr qu’un grand nombre d’entre eux sont morts en mer et n’ont pas été comptabilisés. »
J’ai demandé ensuite s’il n’y avait plus aucun signe de la pollution aujourd’hui.
»Pas vraiment. Parfois, si les gros rochers sont déplacés, vous pouvez voir les marques noires au-dessous mais, cela n’a rien à voir par rapport à l’époque. Seulement un ou deux pêcheurs ne vont plus en mer, ils se sont reconvertis. Ils travaillent en dehors du port, dans une base de loisirs qui accueille aujourd’hui principalement les adeptes de la planche à voile, du canoë-kayak et de la plongée. »

En partant, l’ami de Marcel est revenu fièrement sur son propre solex qu’il tenait à me montrer.
De retour sur mon solex, j’étais très mal à l’aise dans la région de mon slip qui était aussi mouillé que mon pantalon. Je ne pouvais pas m’empêcher de penser aux propos de ma mère quand j’étais jeune; elle me disait toujours que si je m’asseyais sur l’herbe mouillée ou sur toute surface humide, j’aurais des hémorroïdes. – Je ne suis pas sûr qu’à l’époque, je savais ce qu’étaient ces choses au nom si bizarre… mais, je pense que dans quelques jours, je vais être en mesure de confirmer ou non cette affirmation.-…
Au sud de Portsall, le littoral était spectaculaire avec des dizaines de petites et de grosses roches, voire même, d’îles qui étaient fouettées par les vagues. En cas d’avaries du gouvernail sur un bateau tel que l’Amoco Cadiz, il devrait toujours y avoir un système de secours afin d’éviter ce genre de catastrophe.
Je suis arrivé à l’extrême pointe de la Bretagne, au Conquet puis, en me dirigeant vers Brest, je me suis complètement perdu avant de trouver enfin mon lieu d’hébergement pour la nuit. Me perdre dans une ville de plusieurs milliers d’habitants devenait une habitude…
Distance totale parcourue pendant ces 12 jours : 1.291 km
Jour 13 – De Brest à Concarneau (113 km)
La sortie de Brest s’est avérée être un peu problématique car, il n’y a que deux ponts qui traversent la rivière l’Elorn; le nouveau pont est un pont à deux voies, donc pas autorisé au solex et le vieux pont (ma seule option), était fermé à cause d’un marathon. Après avoir tourner en rond sur mon solex, j’ai réussi à persuader un agent de me laisser passer – J’ai dû me baisser pour passer sous le ruban d’arrivée et fut tenté de lever mes bras en franchissant la ligne d’arrivée de la même façon que Chris Froome. Si je l’avais fait, je serais sans doute tombé, pour le plus grand plaisir des spectateurs.-
C’était un dimanche et les cyclistes étaient nombreux sur la route. La plupart d’entre eux ont été en mesure de me dépasser pratiquement sans aucun effort mais, maintenant, je commence à l’accepter et je me dis que moi, contrairement à eux, j’ai pu voir et apprécier la campagne.
Je me suis arrêté dans un beau petit village avec l’étrange nom de “Hôpital Camfrout” et je me suis assis sur le bord de la rivière qui le traverse.

La plupart des maisons de ce village ont leur premier étage construit avec des galets mais, on pourrait croire qu’il s’agit de pierres , c’est très beau .
J’ai suivi la corniche qui longe la rive sud de la rivière Faou qui se jette dans ce qui est réellement la mer mais, en raison de la nature complexe de cette partie de la côte bretonne, elle semble se jeter dans un lac (comme vous pouvez le voir sur la photo, l’eau arrive au pied des maisons). Le Pont de Térénez, qui, lui, a une voie cyclable, m’a conduit vers le paysage vallonné et boisé de la forêt de Landevennec. Je pouvais voir l’abbaye de Landevennec située dans la forêt, au-dessus de moi, à l’entrée du chenal. Au pied de la colline, plusieurs vieux navires étaient entrain de rouiller dans l’eau.
J’ai quitté la route pour une piste étroite, à la recherche d’un vieux moulin à marée descendante. Il y avait plusieurs côtes abruptes et j’étais plutôt inquiet car c’était le seul chemin pour accéder à l’usine.
En arrivant à l’usine, j’ai coupé le moteur, enlevé mon casque et je suis entré dans “le monde du silence”. Pour une fois, le hasard m’avait conduit dans un endroit magnifique où il n’y avait personne. Je suis resté là, à profiter du calme et les seuls bruits étaient ceux des éclaboussures que faisaient les poissons en sautant dans l’eau du moulin et des cris d’échassiers qui pêchaient dans la vase.

Il existe très peu de moulins à marée de nos jours mais, à une époque, on utilisait la force des marées montantes et descendantes. Comme le moulin de Landevennec, les moulins étaient souvent construits à travers un estuaire, un barrage ou une suite d’écluses dont l’ouverture des portes permettait le passage de l’eau à la marée montante vers l’arrière du moulin. Ils fermaient ensuite les portes à la marée haute quand l’eau commençait à descendre et qu’elle faisait pression sur les portes dans l’autre sens.
Une fois que la marée avait reculé un peu, une autre vanne était ouverte manuellement et l’eau était alors à un niveau inférieur et elle agissait comme une roue hydraulique classique. Habituellement, les moulins pouvaient être en activité les trois heures précédant la marée basse et les trois heures après la marée basse. Cette période de travail de six heures se produisait deux fois dans la journée mais, à des heures différentes chaque jour, à cause du décalage des marées. Le meunier devait donc avoir des horaires de travail flexibles.
Je m’étonne que ce système ait été si peu utilisé car cela fonctionnait avec une source d’énergie naturelle, inépuisable, ne gelant pas l’hiver et surtout non polluante.
Ensuite, j’ai continué à travers quelques petites routes de campagne et, quand je suis arrivé au village de St Nic, le solex a commencé à rouler de façon irrégulière. Ce n’est qu’une fois à proximité de Locronan que j’ai remarqué que le tuyau de retour du carburant était tombé. Locronan étant la ville la plus proche, j’ai donc décidé d’aller y chercher de l’aide dans un garage local. Le problème était que la ville qui semblait assez grande, d’après ma carte, était au sommet d’une côte très raide.
Comme l’essence était entrain de couler du carburateur sur le tuyau d’échappement chaud, j’ai pensé qu’il serait plus prudent de pousser « L’Escargot » plutôt que de risquer l’incendie. Il n’était pas facile de le pousser avec tout le poids de mon équipement mais, j’y suis tout de même parvenu. Malheureusement, Locronan est l’un de ces villages médiévaux avec uniquement des galeries, des boutiques de souvenirs, des restaurants – et bien sûr des centaines de personnes-..
Dans une boutique de souvenirs, j’ai demandé s’ils auraient quelque chose qui pourrait remplacer mon tuyau et me permettre ainsi de reprendre la route. Une assistante pour personnes âgées est sortie de l’arrière-boutique et est revenue avec une poignée de pailles en plastique. La plupart d’entre elles étaient trop petites mais, l’une était plus grande et j’ai pu la modifier de façon à ce que le maximum d’essence arrive au réservoir.
J’ai réussi à atteindre le prochain village mais, je me suis rendu compte que c’était dimanche et mes chances de trouver un morceau de tube en plastique pour réparer correctement mon solex étaient assez minces. Heureusement, j’ai vu un dépôt où il y avait au moins une vingtaine de gros camions garés – et dont les portes étaient ouvertes -. Je me suis donc approché, m’attendant à être accueilli à tout moment, par un féroce berger allemand. Comme il n’y avait personne, j’ai frappé à la porte d’un petit chalet, dans un coin du dépôt, et un “type” est sorti, ( accompagné d’un berger allemand!) Il m’a dit qu’il croyait pouvoir m’aider. Son frère, qui, je pense, est mécanicien, est arrivé rapidement avec un morceau de tuyau en plastique qui convenait parfaitement. J’ai continué mon chemin à travers Quimper où je me suis perdu encore une fois et je suis arrivé à Concarneau.
Distance totale parcourue pendant ces 13 jours: 1.404 km
Jour 14 – De Concarneau à Quiberon. (123 km)
L’auberge de jeunesse de Concarneau est merveilleusement située, à quelques mètres de la mer en face des îles de Glénan. Le bâtiment est une ancienne résidence de marins et c’était très relaxant de s’asseoir sur la terrasse et de regarder les bateaux de pêche locaux faire des aller et retour sous le soleil couchant.
J’ai rencontré Cédric, un français de petite taille, au visage coloré, d’environ soixante ans qui faisait une randonnée de six semaines en suivant le GR34 qui longeait les côtes, à partir de Brest en descendant vers le sud. L’année dernière, il a aussi marché pendant six semaines, à partir du Mont St Michel jusqu’à Brest; la marche de cette année était la suite de son voyage précédent.
Il marche environ 25 km par jour et séjourne dans les auberges de jeunesse quand il peut sinon dans des gîtes, des chambres d’hôtes ou parfois chez des amis
‘A la fin de chaque jour,’m’a t-il dit, Je suis plus ou moins épuisé et je me demande si je vais pouvoir continuer. Mais, après une bonne nuit de repos, je suis frais et désireux de commencer le jour suivant. Quand il pleut, ce n’est pas aussi agréable, je sens l’humidité et on ne voit pas aussi bien la côte mais, quand le soleil brille, il n’y a rien de plus beau que de marcher à côté de la mer.’ Je savais exactement ce qu’il ressentait!
Maintenant, si l’un d’entre vous avait l’intention d’essayer une overdose de menhirs alors Carnac est le lieu idéal. Ces très grandes pierres sont partout – il y en a des milliers.-

Je pense que nos ancêtres néolithiques ont dû avoir une vie assez agréable: ils n’avaient pas à tondre le gazon, repeindre la maison, arracher les mauvaises herbes du jardin, changer des ampoules ni à s’inquiéter de rembourser un crédit comme la plupart d’entre nous aujourd’hui. Alors, que faisaient-ils?
Eh bien, il semblerait qu’ils parcouraient la campagne à la recherche de pierres – plus elles étaient grandes, mieux c’était. Elles pesaient toutes plusieurs tonnes. Ils les ont ensuite placées en groupes, bien alignées pour que cela soit plus joli. Ensuite, elles sont toutes restées bien droites – et tout cela, sans un seul JCB! (pelleteuse) – Et bien moi, je leur tire mon chapeau! Je me demande ce qu’ils pouvaient bien faire pour se divertir pendant leurs soirées !!! Les adolescents néolithiques ont-ils aidé leurs parents ou se sont-ils simplement groupés à l’arrière-plan pour donner des coups de pieds dans le gravier?
Il y a plus de 3 000 menhirs autour de Carnac, ce qui en fait le plus grand site au monde et ils ont été mis en place il y a entre 5 000 et 7 000 ans.
Certains semblent être regroupés selon des motifs dus au hasard, tandis que d’autres sont alignés en rangées droites ou courbes pouvant mesurer des centaines de mètres. Pourquoi ont-ils été mis là? Cette question a donné lieu à de nombreuses spéculations au cours des siècles mais, il est généralement admis qu’il y avait une signification religieuse, peut-être en rapport avec des sites funéraires ou peut-être une connexion astronomique avec d’autres sites mégalithiques d’Europe.


De Carnac, je suis parti vers le bas de la « Presqu’île de Quiberon », qui se traduit en français par « presqu’une île de Quiberon ». Eh bien, je pense que quelque chose est soit une île, (c’est-à-dire qu’elle est complètement entourée d’eau), ou alors ce n’est pas une île. « La Presqu’île de Quiberon” n’est pas en fait une île mais, une péninsule, c’est-à-dire une étroite bande de terre qui avance dans la mer; alors pourquoi ne pas l’avoir nommée “La péninsule de Quiberon”. Je reconnais pourtant que c’est très étroit à un endroit et que c’est « presqu’une île », mais pas vraiment une île…
Elle est,cependant, bordée de plages de sable et au milieu de la péninsule s’élève une solide forteresse, Fort Penthièvre, qui était occupée par les Allemands durant la Seconde Guerre Mondiale et elle fait partie du Mur de l’Atlantique. Cinquante-neuf membres de la Résistance française ont été torturés puis exécutés à cet endroit en 1944. On peut y voir un monument érigé en leur mémoire.
Encore une fois, j’ai séjourné dans une auberge de jeunesse; les chambres étaient des cabines nichées dans les dunes de sable de Penthièvre, juste à côté de la mer. Je me suis assis sur les dunes, le soir et j’ai vu le soleil se coucher en reflétant sa lumière orange à travers l’eau jusqu’à la plage et en illuminant plusieurs îles au large et ….soudain, je n’en croyais pas mes yeux !!! J’ai vu un groupe de hautes pierres toutes droites, à environ 500 mètres de la rive… Il ne pouvait pas encore s’agir de menhirs!!!
Je pense être maintenant à mi-chemin de mon parcours le long des côtes de France.
Distance totale parcourue pendant ces 14 jours: 1.527 km
Jour 15 – De Quiberon à La Baule (135 km).
C’était tout à fait étonnant d’avoir réussi à trouver mon chemin à travers Vannes, sans réellement me perdre, dans cette ville assez grande. « L’Escargot » semblait apprécier de rouler dans les villes. Je suppose que c’est parce que sa vitesse est assez modérée et qu’il peut accélérer et dépasser les voitures sans difficulté – presque comme s’il se reposait un peu-.
Une fois sorti de Vannes, j’ai emprunté une route qui était à côté d’une nouvelle route à deux voies, de sorte qu’il n’y avait pas beaucoup de trafic; j’avançais bien et j’étais relativement détendu. Juste après avoir croisé Arzal, près du barrage construit sur la rivière la Vilaine, j’ai continué sur des petites routes de campagne pour quitter la Bretagne et entrer dans le pays de la Loire, à la périphérie de Guérande. J’ai pu couper à travers la vieille ville, en passant par les portes d’entrée percées dans des murs médiévaux et en esquivant les touristes qui se promenaient au milieu des rues pavées.
Pourquoi est-ce que la majorité des touristes porte des vêtements ridicules, principalement dans des couleurs criardes? Ils semblent tous porter un étrange assortiment de chaussures, des shorts horribles et marchent en rond comme des idiots, fiers qu’on les admire…
De Guérande, j’ai pris la direction du Croisic pour voir les salines où la célèbre ‘fleur de sel’ est produite depuis des siècles. Juste à la sortie de la ville, le tonnerre s’est mit à gronder et j’ai eu la chance de pouvoir mettre mes imperméables juste à temps.
Les marais sont inondés par la mer qui, à marée haute, pénètre par un passage étroit, ( l’étier ). L’eau est guidée dans les marais salants par une série de canaux et de vannes. Le soleil et le vent provoquent une importante évaporation, ce qui a pour effet d’augmenter le taux de salinité de l’eau restante et dont la majeure partie du sel se dépose au fond du marais. Le sel a tendance à devenir gris, ce qui diminue sa qualité et il est vendu comme sel de mer ordinaire. Les marais n’étaient certainement pas à un stade d’évaporation important lorsque je suis passé devant.
La ‘fleur de sel’est formée d’une fine croûte de cristaux blancs à la surface de l’eau et elle est si délicate qu’elle est recueillie manuellement par les paludiers ou saliculteurs qui utilisent des râteaux en bois (les louses), pour recueillir les cristaux de sel.

Etant donné son prix relativement élevé, la ‘fleur de sel’ n’est pas utilisée pour la cuisson des aliments mais, comme un ‘sel de finition’ mis sur un plat, juste avant de servir. Elle aurait, parait-il, un léger goût de “violette” dû aux sels minéraux dissous dans l’eau. (Qui a bien pu faire une telle constatation?) – Je ne peux pas dire que j’ai déjà remarqué un goût de violette quand je l’ai utilisée mais, comme je n’ai pas pu détecter le goût “de noisette” dans les huîtres de Saint Vaast, la semaine dernière … Je suis donc mal placé pour juger…
Du Croisic, j’ai pris la route vers l’est jusqu’à La Baule où j’ai passé la nuit dans un hôtel tout juste derrière la plage. J’ai trouvé que La Baule est une ville sans caractère, plutôt composée d’appartements et d’hôtels d’une architecture tout à fait ordinaire.
L’hôtel était rempli de personnes âgées et celà m’a fait penser à « Fawlty Towers » (comédie anglaise), Je suppose que lorsque je suis arrivé, je n’étais qu’un vieux de plus pour le chef mais, j’ai décidé de manger à l’extérieur et le propriétaire m’a dirigé vers l’esplanade, où il m’a assuré qu’il y avait plusieurs restaurants. Aprés avoir remplacé mes vêtements humides de la journée par des vêtements secs, je suis parti à la recherche d’un bon repas.
Le propriétaire avait raison, il y avait beaucoup de restaurants le long de la mer mais, ce qu’il avait omis de me dire, c’est qu’ils étaient tous fermés. Je me suis dirigé vers un autre homme âgé – cet endroit me rappelait Worthing, une ville anglaise habitée en majorité par des retraités- Je lui ai demandé où je pourrais trouver un restaurant et il m’a dirigé vers le port qui était à environ un kilomètre. Il m’a demandé si j’étais anglais – je ne sais pas comment il savait ça – c’était peut-être mon accent ou peut-être le chapeau melon que je portais avec mon short Union Jack (je plaisante)-, il m’a dit que sa mère était anglaise et son père français. J’ai écouté patiemment la moitié de sa vie avec la foudre qui clignotait en mer et s’approchait de plus en plus de la terre à chaque éclair.
Au bout d’un moment, je lui ai fait mes excuses et je suis reparti à vive allure. J’étais à environ 300 mètres du port lorsque le ciel s’est ouvert et a furieusement déversé sur moi, toute sa réserve de pluie. Cela me rappelait quand j’étais noyé, sous la pluie, dans la forêt amazonienne et que tout craquait autour de moi. Il n’y avait vraiment aucun abri nulle part alors, j’ai couru vers un bateau dans une remorque et je me suis accroupi en-dessous.
Au début, j’étais un peu protégé mais, le vent qui augmentait en puissance, envoyait la pluie droit sur moi. Bientôt, le bateau semblait être rempli d’eau qui débordait sur ma tête. Je ne pouvais pas être plus mouillé, j’ai donc marché sous une pluie torrentielle vers le port où il y avait bien des restaurants mais, ils étaient tous de l’autre côté et je devais encore parcourir environ 500 mètres avant de traverser le pont…
J’ai enfin pu entrer dans un restaurant italien en laissant derrière moi un filet d’eau qui dégoulinait de tout mon corps, J’ai diné de quelques belles ‘moules frites’ en laissant des flaques tout autour de ma table. La pluie n’avait pas cessé de tomber pendant que je mangeais. Une fois de plus, j’ai repris la direction de l’hôtel sous une pluie battante et j’étais trempé jusqu’aux os en arrivant. Il ne doit pas y avoir un dieu bienveillant pour les conducteurs de solex !!! .
Distance totale parcourue pendant ces 15 jours: 1.662 km
Jour 16 – De La Baule aux Sables d’Olonne (144 km).
Quand je suis parti de La Baule, les drapeaux, face à la mer, étaient tous droits et indiquaient une forte brise soufflant du large, en direction du sud. J’avais le vent de côté mais, je savais que je devrais prendre la direction sud après Saint Nazaire et que j’aurais le vent de face pendant un bon moment.
J’ai roulé jusqu’au port de Saint Nazaire où je me suis retrouvé devant une gigantesque et impressionnante construction en béton qui dominait toute la zone portuaire – une base pour les sous-marins allemands.- Ce bâtiment était énorme et cet horrible bloc de béton faisait une grande tache sur ce paysage et nous transportait soixante-dix ans en arrière.

Construit par les Allemands entre 1941 et 1942, il a été l’une des cinq bases allemandes en France, les autres étant à Brest, Lorient, La Rochelle et Bordeaux.
Cet édifice a été construit par la société allemande ‘Todt’, un groupe d’ingénierie civile et militaire qui a construit un grand nombre de bâtiments de défense du Mur de l’Atlantique. Todt était connu pour avoir traité comme des esclaves, des prisonniers de guerre et des hommes des pays occupés par les Allemands. À la fin de 1944, on comptait 1,4 millions d’ouvriers participant à la construction du bâtiment. La plupart de ces hommes étaient, sans aucun doute, des travailleurs forcés et les conditions de travail étaient si pénibles que beaucoup d’entre eux sont morts avant la fin de la guerre.
La base se composait de 14 alvéoles dont la plupart pouvaient accueillir 2 sous-marins. Certaines de ses alvéoles pouvaient être vidangées; les sous-marins étant en cale sèche, ils pouvaient être réparés si besoin.
La technique de construction de ces complexes immenses est très impressionnante. Pour résister aux bombardements alliés, le toit est constitué de différentes couches de béton armé, de granit et de poutres d’acier. Il peut atteindre, par endroits, une épaisseur totale de huit mètres. Il pouvait résister aux largages de bombes de 3,5 tonnes.
Il a effectivement résisté à plus de 50 bombardements alliés, avec à peine une égratignure. – Il faut garder à l’esprit que pendant les raids aériens, Saint Nazaire a été rasée à 85 % et la ville a dû être évacuée en avril 1943 pour éviter de nouvelles victimes civiles.-
Le complexe était pratiquement une ville avec des dortoirs pour 1 000 hommes, des générateurs à vapeur ou électriques, des abris, des entrepôts frigorifiques, de l’alimentation, une cuisine, une boulangerie, des mess, des bureaux, des casiers, et pour finir, un hôpital avec le matériel pour soins dentaires, des centres de premiers secours, des sections de réparation et le matériel pour lutter contre les incendies.
Il y a quelques années, le conseil municipal a décidé de démolir l’ensemble de la structure mais, une telle mesure revenait tellement cher qu’il a préféré l’aménager. Il abrite aujourd’hui l’office de tourisme, un musée et plusieurs restaurants – chacun est libre d’errer dans la plus grande partie du bâtiment et les visiteurs ont aussi accès à la terrasse.
En plus d’avoir en face de moi, cet horrible souvenir de la guerre, je devais encore faire face à ma propre histoire d’horreur; je devais aller de l’autre côté de la Loire, sur la rive sud et la seule façon d’y accéder était de traverser le Pont de Saint Nazaire…
Le pont a été construit en 1975; il mesure 3,3 kilomètres, ce qui est très un long chemin pour un pauvre petit solex, étant donné que le pont s’élève à une altitude de 65 mètres au-dessus de la rivière, et qu’il est considéré comme un champ de courses par la majorité des conducteurs français qui le traverse et pour couronner le tout, l’architecte qui l’a conçu, a prévu une voie cyclable de seulement 75 cm de large !
La route commençait avec juste une légère pente mais, à la moitié du pont, elle est devenue très raide et j’avais le vent de face. Je devais lutter contre le vent et les appels d’air quand des voitures me doublaient. J’ai vraiment cru que j’allais devoir descendre et pousser – cela aurait été presque suicidaire.- Toutefois, « L’Escargot »a fait tout son possible et nous sommes arrivés de l’autre côté en un seul morceau, J’étais mort de trouille pendant presque toute la traversée et j’espère ne jamais devoir revivre une telle expérience.
Une fois sur le pont, j’ai continué jusqu’à Saint Michel Chef-Chef, (Qui a pu lui donner un nom pareil ?), puis je me suis reposé dans un petit café pour reprendre mon souffle. Le long de la côte, étaient alignés plusieurs filets de pêche exceptionnels connus sous le nom de « carrelets”.
Ils se composent essentiellement d’une plate-forme, au-dessus d’une série de pilotis en bois. Sur la plate-forme, se trouve une petite cabane avec un filet carré, suspendu à une canne qui peut être relevée ou abaissée dans l’eau grâce à un système de poulies. J’avais déjà vu des dispositifs similaires à Cochin, en Inde, où ils sont connus comme des filets de pêche chinois, bien que là, ils fonctionnent à partir de la plage avec une canne à pêche plus longue que le filet.

Le filet est descendu dans la mer à marée haute, puis rapidement relevé plus tard pour attraper tout ce qui nage au-dessus à ce moment là. Ces structures sont assez sensibles aux tempêtes et aux vents violents, je comprends pourquoi un bon nombre d’entre eux ont été endommagés au cours des dernières années.
Je suis entré dans le département de la Vendée où la campagne est devenue très plate, avec beaucoup de digues (fossés de drainage) autour de champs et de nombreux marais. Il y avait toujours beaucoup de vent et mon principal souci était d’éviter les nombreuses carcasses des rats gondins sur la route. Celà m’a beaucoup rappelé les ‘Fens’ en Angleterre ou aussi dans une grande partie de la Hollande.
Peu après Saint Gilles Croix de vie, je me suis arrêté pour faire une pause et de nouveau, « L’Escargot » n’a pas pu démarrer . Il n’y avait pas de traction entre le galet et le pneu et j’ai pensé que le galet s’était détaché ou que l’embrayage était mort. Étant donné la quantité “de travail acharné ”que j’avais demandé au moteur, au cours de la semaine dernière, avec l’escalade des collines abruptes en pleine charge; je n’aurais pas été étonné que mon pauvre solex déclare forfait.
Bien sûr, il y a une loi, non écrite, qui dit que lorsque vous avez vraiment besoin d’une ville, on en voit aucune à l’hozizon. – et cette loi a dû prendre effet ce jour-là -. La ville la plus proche était Les Sables d’Olonne, et l’hôtel que j’avais réservé aux Sables d’Olonne était encore à 25 kilomètres de là.
Comme il semblait ne pas y avoir d’autres choix, j’ai décidé d’avancer uniquement avec la pédale en espèrant pouvoir arriver avant la nuit.
Le solex, même dans le meilleur des cas, n’est pas conçu pour utiliser la pédale sans le moteur en marche et je peux vous dire que 25 kilomètres est un chemin très long quand on pédale sur un solex avec une charge de plus de 100 kg .Une grande partie de la route montait, ce qui est surprenant étant donné que ma destination était au niveau de la mer – d’accord , à deux endroits, j’ai pu descendre en roue libre pour un court moment, mais la plupart du temps, j’ai vraiment dû lutter…-
A la périphérie des Sables D’Olonne, la nuit tombait et bien que le clignotant arrière fonctionne sur batterie, il n’y a pas de lumière à l’avant quand le moteur ne tourne pas. Je savais que l’hôtel était dans le port mais, je fus consterné de voir qu’il y avait trois ports: le port de plaisance, le port de commerce et le port de pêche. Ils n’étaient pas particulièrement près l’un de l’autre et il n’y avait personne autour pour me renseigner. J’ai choisi le port de pêche et c’était le bon! – Après tout, il y a peut-être un Bon Dieu!-
Le lendemain, j’ai pu contacté Monsieur Valentin Giron qui gère le Musée de l’automobile à proximité de Talmont St Hilaire. Il a très gentiment emmené « L’Escargot » dans son atelier au musée pour essayer de le réparer.
Malheureusement, personne, dans la région, ne pouvait réparer mon solex avant plusieurs jours. je n’avais donc pas d’autre choix que d’organiser le retour de l’escargot chez moi et de faire les réparations pour ensuite continuer mon voyage à une date ultérieure.
Le musée de Talmont est une incroyable collection de voitures et motos. Il existe depuis les années 1950; il appartenait alors au père de Monsieur Giron. C’est certainement l’un des plus beaux musées de voitures que j’ai eu l’occasion de visiter. Il vaut vraiment le détour si vous avez l’occasion d’aller en Vendée. (www.musee-auto-vendee.com)
Distance totale parcourue pendant ces 16 jours: 1.806 km